Mathinées lacaniennes

19/11/2016 - Mathinée avec Marc Darmon

19/11/2016 - 2e mathinée avec Marc Darmon : suite des échanges sur le 1er chapitre « Topologie du signifiant » des Essais sur la topologie lacanienne

Marc Darmon – Je vais essayer de parler fort en attendant que quelqu’un veuille bien résoudre le problème de micro. Je dois dire que la présentation d’Henri va me faciliter la tâche, puisque je vais essayer de répondre aux questions de Melman la dernière fois.

C’est-à-dire discuter du terme de topologie du signifiant puisque Melman a suggéré la dernière fois la chose suivante c’est que l’inconscient relevait de la continuité et donc justifiait le recours à la topologie alors que l’espace des signifiants était discret, c’est ce que Henri vient de dire. Alors dans ce premier chapitre je m’étais attaché à asseoir la topologie sur un socle solide.

Bonjour Monsieur [M. Melman arrive]. Nous avons eu par Henri une présentation de qu’est-ce qu’une topologie et une reprise de la question de Cantor, de l’hypothèse du continu chez Cantor et un rappel de votre proposition sur l’inconscient comme relevant du continu et donc justifiant la topologie, contrairement à l’espace des signifiants, qui, relevant du discret ne relevait pas d’une topologie. Donc ce qui reprend la question que je pose dans ce premier chapitre que j’intitule « Topologie du signifiant » où donc j’essayais d’asseoir la référence à la topologie sur ce qu’il en était du signifiant et de l’approche saussurienne de ce signifiant. Alors je relevais chez Saussure le caractère paradoxal et curieux du signifiant d’être comme le disait Saussure une entité négative et complexe et différentielle. Un signifiant n’est pas, selon Saussure comparable aux objets de la nature c’est-à-dire que contrairement aux stoïciens qui parlaient du lecton ; du signifiant et du signifié en des termes de corporel et de non corporel, d’incorporel, pour Saussure le signifiant est un incorporel c’est-à-dire que le signifiant lui-même ne dépend pas de son incarnation vocale ou scripturale ; comme dans un jeu d’échec le support matériel des pièces ne compte pas. Donc le signifiant c’est quelque chose qui ne se confond pas avec l’image acoustique pour Saussure. Alors comment le saisir ? En apparence effectivement c’est quelque chose de discret, c’est assimilable à un ensemble de points. Pourtant Saussure ne retient pas cette image d’un ensemble de points ou de traits séparés mais il parle d’une ligne ou du support d’une feuille de papier où il y aurait au recto le signifiant et au verso le signifié. Et il dit que c’est inséparable en quelque sorte, quand on découpe le recto, on découpe obligatoirement le verso.

Donc l’image qui lui vient c’est celle d’une surface, d’une ligne continue ou d’une surface continue. Il y a un jeu entre cette continuité et ce qu’il entend par coupure, l’histoire des ciseaux, et effectivement dans l’exemple que j’avais pris qui est de Saussure dans ce premier chapitre, le support matériel de la phrase par exemple peut ne pas comporter de réelle coupure et pourtant manifester une coupure. Si on fait un enregistrement de la phrase « Si je l’apprends » cela sera une image continue. C’est-à-dire la coupure qui va déterminer le sens de cette phrase c’est-à-dire entre « la » et « prends » ou entre « je » et « l », ça tombe bien, hein ! Cette coupure ne va pas apparaitre sur un enregistrement phonographique de cette phrase mais c’est une coupure qui est de l’ordre du signifiant qui n’est pas de l’ordre du support matériel de la phrase. C’est-à-dire que les coupures qui apparaissent et qui déterminent la signification de la phrase ne sont pas toujours ou en général des coupures matérialisées par une véritable coupure du ruban vocal. Alors c’est curieux, c’est une coupure qui est d’un ordre immatériel selon Saussure. Alors est-ce qu’on peut assimiler les signifiants à des points isolés ? Si c’est un espace discret ce sont des points d'un espace discret constitué par des points isolés c’est-à-dire que chaque point à un voisinage, un ouvert qui est censé ne pas contenir un autre point. Un espace discret c’est ça.

Virginia Hasenbalg-Corabianu Tu peux répéter ça : le discret c’est un point…

M. Darmon – C’est-à-dire ce sont des points isolés où le voisinage de chaque point ne contient pas d’autre point de l’espace. Alors on peut dire que dans un premier temps que ce n’est pas le cas des signifiants puisque les signifiants se trouvent dans le voisinage des uns des autres. Il y a une relation, s’il s’agit de points, il y a une relation entre ces points, donc on ne peut pas parler véritablement d’espace discret en ce qui concerne les signifiants puisque les signifiants se trouvent dans le voisinage d’autres signifiants. Est-ce qu’on peut parler de points ? Alors Saussure nous dit que c’est une entité et c’est ce que Lacan reprend dans pas mal de séminaires, en particulier dans L’identification. Il nous dit que ce sont des entités négatives différentielles pouvant être présentées par des nombres complexes et aussi avec cette particularité que la face « signifiant » et la face « signifié » sont en quelque sorte inséparables. Alors dans les notes de Saussure qui sont parues il y a quelques années, cela s’appelle : « Écrits de linguistique générale » qui rassemble des écrits épars de Saussure, on voit que Saussure critiquait la représentation signifiant sur signifié isolée, c’est-à-dire grand S sur petit s, c’est quelque chose qu’il ne reprend pas sinon pour le critiquer. C’est-à-dire pour lui il mettait le signifié en haut et le signifiant en bas. L’écriture qui rend compte véritablement de la chose c’est soit on prend le point de vue du signifiant et il faudrait écrire un signifiant en bas, lui il l’écrit en bas le signifiant par exemple grand A qui correspond à plusieurs idées c’est-à-dire a, b, c en haut