Pour une lecture transversale de la Troisième, par Lydia Schenker
Pour une lecture transversale de « La troisième » 1/11/1974, j’ai choisi la question ainsi martelée :
Est-ce que la psychanalyse est un symptôme ? Et quel serait son avenir…
SUJET COPULE ATTRIBUT
Cette 3ème adresse de Lacan aux analystes à Rome constitue-t-elle une passe? Le contexte particulier de cette intervention écrite, sera éclairé par la conférence de presse de la veille. Elle se situe en effet, un an après le Congrès de La Grande Motte sur la passe ( 4/11/73) et le séminaire « les non dupes.. », un mois avant le début du séminaire RSI...Les questions de la transmission d’une éthique de sa praxis à partir du Réel du nœud, celles de l’analys(t)e comme fonction dans la cure et ses conséquences dans les discours du social (psychanalyse comme symptôme, science et religion), puis celles de l’avenir de ce « symptôme », feront le fil de mon propos.
1) Lacan s’adresse aux analystes afin qu’ils puissent entendre ce qu’il veut transmettre de son propre engagement : son « dit-ce-que », dit, écrit qu’il lit, pour un usage rigoureux du nœud dans la praxis. Depuis son premier discours à Rome en 53 « fonction et champ de la parole et du langage », il ne cesse d’affirmer ses positions dans la psychanalyse, d’interroger la pratique et surtout la difficulté de sa transmission. Dans le second en 67 :« La psychanalyse, raison d’un échec » il déplorait : « je joue la règle du jeu…et n’ai pas à m’étonner de l’échec de mes efforts…après le rien d’enthousiasme (de la publication de ses écrits en 66) où déjà pouvait se lire sous le signe de quel empêtrement psychologisant ils étaient reçus ». Il intitule donc cette conférence « La Troisième », celle qui revient, fait disque par sa répétition, troisième tour qu’il prend là par le bord de la jouissance : le « se jouit » du « je souis » sujet pensant de Descartes…et par le Réel du nœud et du symptôme, qui se boucle à 3, ou 4 ?...comme productions de son propre engagement (une passe ?).
Cet « ourdrom » était-il un acte de transmission ? Celui de donner le Réel de ce nœud aux analystes : « J’ai été amené à la monstration de ce nœud alors que ce que je cherchais c’était une démonstration d’un faire, le faire du discours analytique » dira-t-il plus tard le 11/03/75 dans RSI(p104). Qu’on puisse se servir de ses termes Imaginaire Symbolique et surtout Réel pour sortir du sens, de la pensée, et de leur emploi philosophique : « Comment vous sortir de la tête l’emploi philosophique de mes termes, c'est-à-dire l’emploi ordurier… il faudrait que vous les pigiez… que ça vous serve à vous apercevoir la topologie que ça définit…à être non dupe de l’autoroute ! » (p261) Et donc, depuis son premier discours de Rome, la topologie qu’il a élaboré ouvre la voie de l’écriture de ce nœud pour une pratique qu’il spécifiera : tenir la corde du Réel, « le Réel, c’est ce qui ek-siste au sens, l’expulsé du sens…l’impossible comme tel, l’aversion du sens…dans l’anti-sens et l’ante-sens ». (RSI p109)
-A la fin de « la troisième » il évoquera la raison de cette lecture : la transmission de sa trouvaille, à déchiffrer « c’était peut-être faire que vous pourriez, c’est ce que je souhaite, lire quelque chose. Si vous arriviez à vraiment lire ce qu’il y a dans cette mise à plat du nœud borroméen, je pense que ce serait là dans la main vous toper quelque chose qui peut vous rendre service autant que la simple distinction du Réel, du Symbolique et de l’Imaginaire. »(282)=Par ce nœud, il donne aux analystes la boussole qui indique leur place et leur fonction dans un discours: « Que ça les aide (les analystes) à frayer le chemin de l’analyse…Il s’agirait que vous y laissiez cet objet insensé que j’ai spécifié du a. C’est ça qui s’attrape au coincement du Symbolique de l’Imaginaire et du Réel comme nœud. C’est à l’attraper juste, que vous pouvez répondre à ce qui est votre fonction : l’offrir comme cause de son désir à votre analysant. C’est ça qu’il s’agit d’obtenir…ce nœud il faut l’être… »
En référence aux « 4 discours » articulés dans l’Envers de la Psychanalyse (69-70), seul le discours analytique place l’objet(a) en position de « semblant », au carrefour des jouissances sur le noeud.* Après la répudiation du « je souis » de la pensée philosophique pour privilégier le « se jouit » des jouissances, Lacan indique en même temps la place que doit occuper l’analyste dans son rapport à l’analysant (262): objet a en place de semblant dans le discours, être le nœud même…place du Réel ?! Quelle place que celle de l’analyste ? celle du plus-de-jouir au carrefour des 3 jouissances ? (repérable sur le nœud). Il n’y a pas d’être analyste, il n’y a qu’une fonction : celle de la copule, pour un possible déchiffrage du symptôme ?…dont la place va pouvoir, aussi, être situé sur ce nœud… *(cf. : schéma) « Vous ne pouvez à la fois en être et l’être »…(262)
=Ce bord de l’être comme copule rejoint-il la fonction phallique ? Définie dans (Ecrits p692): « La signification du phallus » (9/05/58 Munich), lorsqu’il souligne la nécessité du désir de l’Autre (d’un Autre barré), pour la mise en place du sujet du désir en tant qu’il a renoncé à s’identifier au phallus… « le phallus imaginaire doit choir pour que soit institué le phallus symbolique et le signifiant phallique » il donne un repérage ramassé de cette fonction : « Le phallus est le signifiant privilégié de cette marque où la part du logos se conjoint à l’avènement du désir. On peut dire que ce Sa est choisi comme le plus saillant de ce que l’on peut attraper dans le réel de la copulation sexuelle, comme aussi le plus symbolique au sens littéral (typographique) de ce terme, puisqu’il y équivaut à la copule (logique). On peut dire aussi qu’il est par sa turgidité l’image du flux vital en tant qu’il passe dans la génération». Plus tard, le phallus sera la fonction dans les mathèmes de la sexuation Vx(ɸ)x.
« Qu’est-ce que l’être a de suprême si ce n’est par cette copule ! »Crie-t-il dans la Troisième(260). -A propos de ce terme de copule : mot qui lie l’attribut au sujet, le plus souvent le verbe être …. Je reprendrais les propos de Lacan dans la conférence de presse qui précède, où il se réfère à Saint Jean « Au commencement était le Verbe » mais avant le commencement, où est-ce qu’il était ? c’est ça qui est vraiment impénétrable… c’est un commencement complètement énigmatique…le drame ne commence que quand le Verbe s’incarne…c’est là que ça commence à aller vachement mal pour l’homme moyen …il est ravagé par le verbe» puis, pour argumenter sa praxis, (le parlêtre, c’est une façon d’exprimer l’inconscient, p18-19-21 conf de presse), il poursuit : « j’ai une certaine expérience de ce métier sordide qui s’appelle être analyste…et là j’en apprends quand même un bout…s’il n’y avait pas le Verbe, qui, il faut bien le dire, les fait jouir, tous ces gens qui viennent me voir, pourquoi est-ce qu’ils reviendraient…si ce n’était pas pour s’en payer une tranche, de Verbe ?...pour l’analyse, c’est vrai, au commencement est le Verbe. » (cf. plus loin : opposition religion et analyse)
= Dans la troisième, il indique ce qui rend la position de l’analyste opérante dans le réel: un nouage de la lettre avec une jouissance, une écriture:* « Il n’en reste pas moins que de l’être il faut que vous n’en fassiez que le semblant…c’est d’autant plus calé qu’il ne suffit pas d’en avoir l’idée pour en faire le semblant. N’ vous imaginez pas que j’en ai eu, moi, l’idée. J’ai écrit objet a. C’est tout différent. Ça l’apparente à la logique, c'est-à-dire que ça le rend opérant dans le réel : au titre de l’objet dont justement y a pas d’idée ; ce qui, il faut bien le dire, était un trou jusqu’à présent dans toute théorie quelle qu’elle soit : l’objet dont il n’y a pas d’idée...pas un seul discours où le semblant ne mène le jeu. » (p 262) Plus loin, « Et c’est seulement par la psychanalyse, c’est en cela que cet objet fait le noyau élaborable de la jouissance. Mais il ne tient qu’à l’existence du nœud, aux trois consistances de tores, de ronds de ficelle, qui le constituent. L’étrange est ce lien qui fait qu’une jouissance, quelle qu’elle soit, le suppose, cet objet, et qu’ainsi le plus-de-jouir, puisque c’est ainsi que j’ai cru pouvoir désigner sa place, soit au regard d’aucune jouissance, sa condition. Voilà ! » (p268- 269)
Il ponctue alors son propos par les schémas qui situent sur le nœud la jouissance du corps qu’il appelle substance jouissante en tant qu’elle est jouissance de la vie, et l’objet a qui sépare cette jouissance du corps, de la jouissance phallique… (Hors corps)…*(cf schémas)
- La place des Jouissances, « là où se loge ce ça jouit » (p274 rectifier le dessin), est située à partir de la mise à plat du nœud, le « se jouit » qui court depuis le début de la conférence,apparaît au champs d’intersection(recouvrement ?) de 2 consistances…Je propose de sortir de l’étendue pour indiquer « la voie du nœud »à partir du point de départ (urverdrangt) de la tresse elle même, non pas d’une seule consistance torique qui me paraît réductrice, mais par 3 vecteurs-tores-copules qui séparent et relient à la fois(façon féminine ?)… indique trois directions à partir du point de nouage.*∞
-Après avoir indiqué la place du plus-de-jouir à l’intersection des jouissances, Lacan va également situer le symptôme « ceci ne va pas sans que vous vous aperceviez de la place, dans ces différents champs, du symptôme » (p278) sur son dernier schéma où il s’agit, me semble-t-il, d’intersections de trois consistances toriques, qui en fait serait impossible à représenter dans une mise à plat ; présentation d’arêtes projectives qui sera toujours partielle, comme la ligne d’interpénétration sur la BK (de forclusion ?)…pour le définir ainsi :*« Le symptôme est irruption de cette anomalie en quoi consiste la jouissance phallique, pour autant que s’y étale, que s’y épanouit, ce manque fondamental que je qualifie du non-rapport sexuel. C’est en tant que dans l’interprétation c’est uniquement sur le signifiant que porte l’intervention analytique, que quelque chose peut reculer du champ du symptôme ». (p279)
=Il situe ce champ du symptôme (nécessité d’un ne cesse pas de s’écrire du réel (p273) sur le nœud mis à plat : sur la surface de recouvrement du Symbolique par le Réel….Symptôme à la jonction de bords mouvants, délimitant un Réel qui se déploie en fonction de conjonctures (le social ?) différentes (types jouissances ?) et de la possibilité d’opérer, à partir du Réel, dans le champ du Symbolique sur le signifiant= soit l’acte analytique à partir de l’hypothèse de l’inconscient. Pratique analytique selon différents types d’interprétation et d’effets de sens… Il interroge ici les analystes sur la question de leur acte, dans l’actualité de leur position et de leur devenir dans l’Histoire…
2) Ainsi, dans La Troisième, c’est la lecture d’une écriture, celle du nœud, qu’il veut faire entendre ; intervention qui comprend la première où il y avait mis sa « parlance »: fonction de la parole et champ du langage et l’accent sur la lalangue dont s’opère l’interprétation « pas interprétation de sens mais jeu sur l’équivoque ». Au plus près de la lettre et du signifiant, ici, c’est du Réel qu’il se doit de partir: « il me faut soutenir cette troisième du Réel qu’elle comporte »(264) ; Il pose, dès la 45ème minute de son exposé, la question qu’il veut « sérieusement » mettre à l’épreuve : « est-ce que la psychanalyse est un symptôme ? » pour y donner sa réponse, suivie de tout un argument concernant le symptôme…(Sa nomination4ème ). C. Melman dira « Le symptôme est organisé par la parole, c’est la maison du sujet » On le définit aussi comme identification d’une coupure, limite à la jouissance, ce qui ne va pas… et il sera ensuite repéré comme nomination symbolique avec le nœud à 4 de Lacan, différencié du nœud à 3 de Freud, dans RSI, 21/01/75 p :26,(présenté par E. Quillin cet été) puis « généralisation du symptôme » qui inclurait aussi l’inhibition et l’angoisse, comme 3 modalités de lien au Réel. Fonction de suture de ces identifications/ copule des nominations? Jalons en attente… (cf.Lettres du symptôme, E.Porge,p140)
L’année précédente (nov. 73)Lacan parlait « de types (cliniques) de symptômes, c'est-à-dire de nœuds,…de l’idée du symptôme comme nœud…et qu’à partir de là, c’est dans la contingence du cesse de ne pas s’écrire, que peuvent se produire les points-nœuds, les points de précipitation qui feraient que le discours analytique ait enfin son fruit. » Pourrait-on dire aussi les S1 ? produits de l’interprétation, comme chiffrage du symptôme ?(en place de production du discours analytique)
J’appelle symptôme ce qui vient du Réel …(p : 264)« Ça veut dire que ça se présente comme un petit poisson, dont le bec, vorace, ne se referme qu’à se mettre du sens sous la dent. Alors, de deux choses l’une :-ou ça le fait proliférer…(croissez et multipliez-vous, a dit le seigneur, ce qui est quand même quelque chose d’un peu fort, qui devrait nous faire tiquer, cet emploi du terme de multiplication : lui le Seigneur, quand même, sait c’que c’est qu’une multiplication ! c’est pas l’ foisonnement du petit poisson)- ou bien alors il en crève. Ce qui vaudrait mieux, ce à quoi nous devrions nous efforcer, c’est que le Réel, du symptôme, en crève… E t c’est là la question : comment faire… » (p265 nœud)* Question éthique de la praxis et de sa fonction qu’il se pose depuis toujours : « A une époque …où j’essayais de faire comprendre dans des services de médecine ce que c’était que le symptôme, je le disais pas tout à fait comme maintenant, mais quand même, c’est peut-être un Nachtrag,( après coup) je crois que je le savais déjà, même si je n’avais pas encore fait surgir l’Imaginaire, le Symbolique et le Réel… le sens du symptôme n’est pas celui dont on le nourrit pour sa prolifération ou extinction, le sens du symptôme c’est le Réel, le Réel en tant qu’il se met en croix pour empêcher que marchent les choses, au sens où elles( se) rendent compte d’elles mêmes de façon satisfaisante… au moins pour le maître…» (La foi-foire l’espérance et la charité-archiraté)
Cette approche du symptôme, à partir du réel, est complexe, mais c’est une nécessité logique: …Le symptôme c’est ce qui ne cesse pas de s’écrire (logique modale)… du Réel (273).
-Différents niveaux de définition du Réel (p263)ont été dépliés par Lacan, pour préciser sa place dans l’opération analytique (se démarquer non seulement de l’imaginaire du corps, mais du sens,) avant d’aborder ce qui pourrait en faire un symptôme… dans le rapport de la psychanalyse dans le champ social, comme conséquence de l’acte analytique, par le biais de la contingence du transfert=qui révèle la vérité du « truc » : cesse de pas s’écrire,(p131,les non dupes 19/03/74), rapport du Réel au symptôme et du symptôme au Réel, qui sera précisé ensuite sur le nœud à plat… puis du Réel à la lettre.
1=ce qui revient toujours à la même place, celle du semblant, (pas du seul imaginaire) pour y prendre un appui (point de buté réel à l’imaginaire).
2=L’impossible d’une modalité logique, c’est ce qui les fait trois (les ronds du nœud bo)=ne se fraye que par l’écrire (12/02/74 cf Aristote : vide de tout sens ses 3 termes du syllogisme en les transformant en lettres : 1er pas de la science du Réel=la logique, qui n’est pas encore l’acte analytique. Différence de ces « dits » manipulés de la logique d’Aristote /du « dire vrai » de la pratique du discours analytique qui réserve la place de la vérité= lorsque « ça cesse de ne pas s’écrire », la contingence de la rencontre= la rainure qui supplée à l’impossibilité d’écrire le rapport sexuel, il y passe quelque chose qui « à l’air de s’écrire »entre deux sujets= soit le S2, le savoir (imprimé quelque part) en tant qu’inconscient, c’est ça qui coule dans la rainure du dire vrai= deux signifiants s’imprimeront sur ce support.=dépôt, sédiment qui se produit chez chacun quand il commence à aborder ce rapport sexuel=il s’agit de quelque chose qui s’écrit et qu’il s’agit de lire en le déchiffrant. (RSI,14/1/75 p 46= « Le Réel est tissé par le nombre…qui lui donne sa consistance…pas naturelle du tout », puis p46 « Il faut qu’une corde soit nouée à un bout pour qu’on puisse s’y tenir ». /Descartes : Bonnes règles pour la direction de l’esprit « approfondir d’abord les arts les plus simples où l’ordre règne davantage : des artisans qui font de la toile et des tapis, des femmes qui brodent ou font de la dentelle….ainsi que toutes les opérations qui se rapportent à l’arithmétique »Cf écriture S1.
3=n’est pas le monde, aucun espoir de l’atteindre par la représentation.=n’est pas universel, du même coup : « n’est tout, qu’au sens stricte de ce que chacun de ses éléments soit identique à soi-même, mais à ne pouvoir se dire tous (quantés) : y a pas de tous les éléments, y a que des ensembles, à déterminer dans chaque cas ».Pas tout x ɸx..., que des S1 ?(production du discours analytique).
4=s’écrit S1 : sans aucun effet de sens ; homologue de l’objet a. Nécessité de la lettre et de son écriture. Cerner le Réel du nœud avec l’écriture S1, signifiant –lettre « qui n’a le sens que de ponctuer ce n’importe quoi, signifiant qui ne s’écrit que de le faire sans aucun effet de sens » ; signifiant un, « l’homologue en somme si j’ose dire, de l’objet a …qui refend le sujet et le grime en ce déchet, qui, lui, au corps ex-siste» nous dit Lacan, pour cerner l’objet a qui se trouve à la place du semblant dans le discours analytique… il avoue là que son jeu de « tenter de nouer ce S1 et a par le nombre d’or n’était qu’illustration de la vanité de tout coït avec le monde, c'est-à-dire la connaissance ! »Il n’y aura jamais copulation du 1 au a. Et pour en faire semblant, d’être l’objet a, il faut être doué ! (p264)…. Lacan fait alors allusion à la position d’une femme analyste… (Cela dépendrait du bord de la copule sur lequel on se retrouve ?)pour en arriver à la conclusion suivante :
=>Le sens du symptôme dépend de l’avenir du Réel, donc de la réussite de la psychanalyse. Ce qu’on lui demande, c’est de nous débarrasser et du Réel et du symptôme…Si elle a du succès dans cette demande…on peut s’attendre à tout ! À savoir à un retour de la vrai religion par exemple…(265)
Là encore, la conférence de presse de la veille vient éclairer ce propos : « la psychanalyse n’est pas venue à n’importe quel moment historique ; elle est venue corrélativement à un pas capital, à une certaine avancée du discours de la science…la psychanalyse est un symptôme, seulement il faut comprendre de quoi…(se référant à Freud dans « Malaise de la civilisation »)…la psychanalyse fait partie de ce malaise dans la civilisation. Alors le plus probable, c’est qu’on n’en restera pas là à s’apercevoir que le symptôme c’est ce qu’il y a de plus réel. On va nous sécréter du sens à en veux-tu en voilà, et ça nourrira non seulement la vraie religion mais un tas de fausses…et la religion triomphera de la psychanalyse…et de beaucoup d’autres choses. »
Ainsi, Lacan poursuit : « Mais si la psychanalyse réussit elle s’éteindra, de n’être qu’un symptôme oublié. Elle ne doit pas s’en épater : c’est le destin de la vérité telle qu’elle-même le pose au principe qui dit : la vérité s’oublie. Donc, tout dépend de si le Réel insiste ; pour ça il faut que la psychanalyse échoue…Il faut reconnaître qu’elle en prend la voie hein ! et qu’elle a donc encore de bonnes chances de rester un symptôme : de croître et de se multiplier. Psychanalystes pas morts, lettre suit ! » ( l’être suis ?)(266) Mais quand même méfiez vous : c’est peut-être mon message sous forme inversée ! Retournement : Sommes-nous là au point d’impossible ou d’indécidable des effets de la psychanalyse sur le Réel ou du Réel sur la psychanalyse?
M. Czermak disait en parlant du symptôme(Emission sur Lacan en 96, France culture) : « c’est le pur fruit d’une articulation logique, pur effet de structure, qui indique la vérité…la psychanalyse c’est un bon symptôme, parce qu’il nous permet de respirer !» rejoignant Lacan à la fin de la conférence de 01/75 à Strasbourg : « un symptôme c’est quelque chose qui a le plus grand rapport avec l’incs…Alors ce que je voudrais, c’est que la psychanalyse tienne le temps qu’il faudra, en tant que symptôme, parce que c’est quand même un symptôme rassurant. »
3) Psychanalyse et religion dans le social: d’une éthique du désir au discours de la science :
-La position intenable de la psychanalyse est rappelée dans la conférence de presse du 29/10/74 où, la veille, il tentait d’expliquer: « c’est quelque chose de très difficile, la psychanalyse. D’abord c’est très difficile d’être psychanalyste, parce qu’il faut se mettre dans une position qui est tout à fait intenable. Freud avait déjà dit ça. (Gouverner, éduquer, qu’il va développer et il y ajoute la position du savant, celle de la science et l’angoisse que cela peut susciter…) C’est une position intenable, celle du psychanalyste. » Et annonçait pour le lendemain: « vous entendrez quelque chose qui se rapporte aux rapports de la psychanalyse avec la religion. Ils ne sont pas très amicaux. C’est en somme ou l’un ou l’autre. Si la religion triomphe, comme c’est le plus probable- je parle de la vraie religion, il n’y en a qu’une seule de vraie- si la religion triomphe, ce sera le signe que la psychanalyse a échoué. » Il indique que la religion va guérir le parlêtre de ce qui ne va pas en le lui faisant oublier.
-Analyste, symptôme et passe : Après avoir précisé à la journaliste qui n’y comprend rien, ce qu’est, selon lui, la « vrai religion », la romaine, chrétienne, qui a toujours des ressources pour « donner du sens », il y oppose l’analyste dans sa fonction: « L’analyste, lui, c’est tout à fait autre chose. Il est dans une espèce de moment de mue. Pendant un petit moment, on a pu s’apercevoir de ce que c’était que l’intrusion du Réel. L’analyste, lui en reste là. Il est là comme un symptôme, et il ne peut durer qu’au titre de symptôme. Mais vous verrez qu’on guérira l’humanité de la psychanalyse. A force de le noyer dans le sens, dans le sens religieux bien entendu, on arrivera à refouler ce symptôme…Est-ce qu’une petite lumière s’est produite dans votre jugeote ? »....puis après : « on a eu un petit instant comme ça un éclair de vérité avec la psychanalyse. Ce n’est pas du tout forcé que ça dure… ! »Allusion à l’échec de la Passe ?et d’une temporalité pour l’être-analyste…
Il souligne ainsi qu’il ne faut pas l’entendre, cette question de la psychanalyse comme symptôme, au sens de penser que la psychanalyse serait un symptôme social. « Il n’y a qu’un seul symptôme social : chaque individu est réellement un prolétaire, c'est-à-dire n’a nul discours de quoi faire lien social, autrement dit semblant… (Pas un seul discours où le semblant ne mène le jeu). C’est à quoi Marx a paré d’une façon incroyable : aussitôt dit aussitôt fait hein, Ce qu’il a émis implique, qu’il n’y a rien à changer. C’est bien pour ça d’ailleurs que tout continue exactement comme avant »(266). Cependant, les non dupes mettant la transparence à la place du semblant ne vont-ils pas contribuer à ce que j’appelle un « détournement » des discours en capitalisme prolétariant les un-dividus ? Ainsi, si le non rapport sexuel (pourtant universel) ne fait plus symptôme social, est-ce un effet de la Mondialisation ? (cf : structure des 4 discours)
-« La psychanalyse, socialement, a une autre consistance que les autres discours : Elle est un lien à deux. C’est bien en ça qu’elle se trouve à la place du manque de rapport sexuel. Ça ne suffit pas du tout à en faire un symptôme social puisque…un rapport sexuel, il manque dans toutes les formes de société. C’est lié à la vérité qui fait structure de tout discours…266 »Lieu qui fait institution et famille ? Il précise alors que c’est bien pour cette raison qu’il n’y a pas de véritable société analytique, mais une école…
Lacan souligne ici comment la dimension du transfert dans l’analyse, la distingue justement de ce qu’il appelle symptôme social, celui où ce lien manque. Ici le « lien à deux » implique la dimension du discours, de l’adresse à l’Autre, et donc des 4 places de la structure de discours, mais surtout il implique un rapport à une jouissance : « l’étrange est ce lien qui fait qu’une jouissance, quelle qu’elle soit, le suppose, cet objet, et qu’ainsi le plus-de-jouir, puisque c’est ainsi que j’ai cru pouvoir désigner sa place, soit au regard d’aucune jouissance, sa condition. Voilà ! »(p269, déjà cité)…ensuite il rappelle encore la dimension de l’interprétation, (avec la distinction du signans=qui nous permet d’opérer dans l’analyse, de l’état d’attention flottante, du fait d’une espèce d’équivoque, équivalence matérielle, entendre un dit qui émerge de lalangue, et du signantum=le sens, inventé par les stoïciens ;p227 les non dupes)… avant de reprendre la responsabilité de l’analyste dans la structure de ce discours, (il fait allusion à l’exposé de Nasio ? le matin sur Ethique et sexuation):« Dans tout ça, donc, il n’y a pas de problème de pensée. Un psychanalyste sait que la pensée est aberrante de nature, ce qui ne l’empêche pas d’être responsable d’un discours qui soude l’analysant…à quoi ?...il soude l’analysant au couple analysant-analyste. (266-267)
=Responsabilité de l’analyste : produire un discours singulier qui soude l’analysant, dans le transfert, à son rapport de désirant : couple analysant-analyste, désir de désir : a (a+b), disparité subjective lié à la vérité du manque de rapport sexuel…d’un lien à 2 qui ne fait pas un mais 3, voir 4….En effet, la fonction de l’analyste dans le social, ne serait-elle pas avant tout de ménager la place d’un discours, quel qu’il soit ?, mais qui ne pourrait (se) tenir qu’au prix d’une nomination symptomatique d’une jouissance = 4ème rond, nomination symbolique d’un nom du père pour une jouissance phallique, nomination imaginaire d’une fonction (nommé à),peut-être symptomatique d’un sens à donner?, nomination réelle symptomatique de la jouissance Autre ?…Ce sont des hypothèses à discuter.
Là se pose la question du Discours de la science ? avant que La boucle se boucle sur l’avenir de la psychanalyse, dit Lacan (p281), la science (pourtant née des petits rapports de lettre à lettre de Galilée) nous donne des gadgets à nous mettre sous la dent, à la place de ce qui nous manque. « C’est ça, la science part de là…et pour ça je mets espoir que, passant au-dessous de tout représentation, nous arriverons peut-être à avoir sur la vie quelques données plus satisfaisantes ». Lacan situe la science sur le nœud : sur la surface de recouvrement du réel par l’imaginaire du corps, dans le champ de la jouissance de l’Autre…c’est à proprement parler le champ où naît la science… hors langage, hors symbolique, cette jouissance de l’Autre, en tant que parasexuée, n’existe pas…car c’est uniquement à partir de la lettre que nous avons accès au Réel.(280). « C’est le phallus qui nous empêche d’avoir un rapport avec quelque chose qui serait notre répondant sexuel. C’est notre répondant parasexué, et chacun sait que le para, ça consiste à ce que chacun reste de son côté, que chacun reste à côté de l’autre. »(281)
-« Le piquant dans tout ça c’est que ce soit le Réel dont dépende l’analyste dans les années qui viennent, et pas le contraire… »(267) Ainsi, le discours scientifique pourrait faire que le Réel, que doit « contrer » l’analyste, prenne « le mors aux dents »… ça devient drôle quand les savants sont eux même saisis d’une angoisse, symptôme type de tout avènement du Réel, d’où l’accès de responsabilité du biologiste qui s’impose l’embargo d’un traitement de laboratoire des bactéries sous prétexte que si on en fait de trop dures elles pourraient bien glisser sous le pas de la porte et nettoyer au moins toute l’expérience sexuée en nettoyant le parlêtre… le comique est que toute vie réduite à l’infection qu’elle est réellement, selon toute vraisemblance, ça c’est le comble de l’être pensant !... L’ eu-thanasie ,l’ eugénique etc, nous mettraient enfin dans l’apathie du bien universel… et suppléeraient à l’absence du rapport…Lacan annonce ici de façon magistrale « l’avenir qui nous pends au nez » que nous confirme aujourd’hui la clinique d’une nouvelle économie psychique…
4) L’avenir de la psychanalyse dépend de ce qu’il adviendra de ce Réel : « à savoir si les gadgets, par exemple, gagneront vraiment à la main…si nous arriverons à devenir nous-mêmes animés vraiment par les gadgets… »(281) Lacan n’y croit pas en 73…pensant à la stabilité de la structure de discours. Dans la conférence de presse il dit « Le propre du Réel c’est qu’on ne l’imagine pas », Lacan ne pense pas que ce qu’il appelle le triomphe de la vraie religion soit une sorte de schizophrénie collective comme le pose un interlocuteur italien. Il suppose(21) : « on doit pouvoir s’habituer au réel, le seul concevable, le seul auquel nous ayons accès. Au niveau du symptôme, ce n’est pas encore vraiment le réel, c’est la manifestation du réel à notre niveau d’êtres vivants. Comme êtres vivants, nous sommes rongés, mordus par le symptôme, c'est-à-dire en fin de compte, nous sommes malades, c’est tout. L’être parlant est un animal malade. Au commencement était le Verbe, tout ça, ça dit la même chose. Mais le réel auquel nous pouvons accéder, c’est par une voie tout à fait précise, c’est la voie scientifique, c'est-à-dire les petites équations. Et ce réel là, le réel réel, si je puis dire, le vrai réel, c’est celui justement qui nous manque complètement en ce qui nous concerne, car de ce réel, en ce qui nous concerne, nous en sommes tout à fait séparés….à cause du rapport dont nous ne viendrons jamais à bout…22 ».
=Si ce Réel est toujours « filtré » par un symptôme la psychanalyse en poursuivra sa lecture.
Mais que pouvons-nous dire 40ans plus tard, à l’ère (erre) de la dé-mesure, du nucléaire et de la mondialisation? Cf L’envers de la psychanalyse(69-70) : Si la structure des discours fonctionne à partir du fait que « le désir de l’homme c’est le désir de l’Autre » avec la butée que constituait une jouissance dite phallique… lorsque ce lien du désir est remplacé par un autre type de rapport :une dis-position sans butée phallique ( rapport réel à l’objet marchand…pour un individu alors dis-pensé de castration) que devient le discours ?
De cette incidence contemporaine du Réel dans le social, j’évoquerai pour conclure quelques hypothèses théoriques et cliniques à débattre :
-S1-S2 holophrasés ?Je rejoins ici l’hypothèse amenée par René Dupuis il y a bientôt 30 ans (!) sur « symptômes et psychosomatique , Nodal 2, 1985» : « dans la psychosomatique S1 passerait dans le champs de S2 et se maintiendrait en tant que coupure, mais une coupure qui serait indifférente à toute référence paternelle ou phallique…caractère intermittent de ces manifestations lié à la présence réelle d’un Autre (thérapeute)…Le discours Universitaire qui s’origine du S2, rejoint notre civilisation moderne qui s’organise à partir d’un savoir qui fait commandement. On peut se demander si cette disposition n’est pas responsable de ces manifestations psychosomatiques que sont les maladies dites de civilisation »
Quid de la « fonction phallique » dans de telles conditions ? Qui va « chiffrer » le sujet si l’analyste (comme fonction) disparaît avec son symptôme et comment, dès lors, trouver (produire) les chiffres d’un nouveau savoir, les S1 qui représentent, à mon sens, notre capacité d’invention, sinon d’abord par notre présence réelle?
-Aujourd’hui, qu’en est-t-il du symptôme et qu’en faire ? Symptôme, comme manifestation du Réel, qui nous ronge, comme la télévision dévoreuse, évoqué par Lacan ; depuis, les gadgets donnés par la science, se sont multipliés ; mais ont-ils encore valeur de symptôme ? Le phallus fonctionne-t-il toujours comme « notre répondant para sexué »? Comme l’espérait Lacan à la fin de la conférence... Je me demande comment parler de symptômes à partir des « états », « dys-fonctionnements », « comportements troublés » multiples et variés qui se présentent à nous mais n’ont pas « valeur » de symptôme. Comment faire advenir ce que j’appelle une « nomination symptômatique » dans les institutions et avec les enfants en première ligne…C’est ce que j’appelle « pouvoir intervenir pour préparer le terrain » : faire émerger, d’abord avec notre propre désir, hypothèse et parole… (Cf travaux en pédopsychiatrie , note de Lacan à J.Aubry 10/69, interventions de L Sciarra)
Quelle sorte de symptômes que les addictions qui se multiplient aussi : gadgets et pharmacons introduits dans la substance jouissante du corps (cf la psychanalyse est-elle une addiction ?)Quel sens donner à ces états dépressifs chroniques aggravés par des traitements médicamenteux mal adaptés, opérations de multiplications à la place d’une division (du sujet)= résultat :une absence de désir généralisé ! Bien que tout soit fait pour « répondre aux besoins des usagers » ! Lorsqu’il n’y a plus « débat », « plus d’ébats » ajoutait T. Florentin !
=Dans le pseudo discours capitaliste qui règne dans nos sociétés, pas de place pour le semblant, pas de place pour la supposition « l’objet de la supposition n’est pas le genre de l’objet de l’opinion », lecture d’Aristote cité par Lacan12/02/74,p116, qui parlait du « moyen » du symptôme pour articuler la logique « science du Réel » au « dire vrai »…Aujourd’hui, c’est la transparence totale, le Réel s’y révèle dans sa crudité la plus terrible : l’in-dividu glorieux et sans limite s’y précipite dans une adresse au Savoir scientifique et technologique répondant à tout, producteur à l’infini d’objets manufacturés nommés à une vie de plus en plus courte, pour entretenir la plus-value à la place du plus-de-jouir, au prix d’un discrédit du savoir dans l’Autre, ravalant le signifiant par une signification débridée dans un déferlement de sens. Savoir acéphale, sans signifiant maitre pour l’arrimer…(a)et S1 indifférenciés ?
=>Serait-ce un retour au « symptôme social » généralisé ? : serions-nous tous des « prolétaires » délivrés de la contrainte sociale ? (cf : intervention sur « la passe », de Lacan le 3/11/73 à La Grande Motte, p252).
-Dans un social soumis aux normes plutôt qu’à la loi, qui vise à la conformité par des procédures tricheuses on aboutit à un « ordre de fer »(nomination Réelle selon PCCathelineau ?) et on utilise les apparences : changer de costume en fonction du milieu pour s’adapter au mieux aux exigences du social environnant, c’est la « comédie des apparences » comme disait une patiente pour dénoncer le « politiquement correct » du monde dans lequel elle devait évoluer...C’est la norme qui habille l’imposture (cf « La fabrique des imposteurs » de R. Gori). Glissement vers des fonctionnements pervertissant ?(Qui n’ont rien à voir avec la fonction du « semblant ») Dans « un social assujettissant » devons nous perdre la fonction de la contrainte et sa nécessité ? (journées en Belgique sur ce sujet).Dans un social en perte d’ins-titution, quelle pratique possible et quel type de transfert ? Quelles fins de cure (et débuts) possible ? Osons-nous en parler vraiment…
-Exemple clinique dans un « service » socio-éducatif où je travaille encore comme psychiatre consultant : d’un « travailleur social » qui répond « la folie, ça veut rien dire ! » à un adolescent psychotique lorsque ce dernier commence à se questionner, en ma présence, sur son état…Cet éducateur soutenait le « droit » des parents à interrompre les soins engagés au CMPP pour leur fils au prétexte que « ça ne sert à rien » et « accompagner» les parents « malgré leur déni » !Ne confirme-t-il pas ainsi, par son désaveu (ou démenti ?) d’un début de soins, le déni contemporain de la folie…ce qui n’a fait qu’accentuer les passages à l’acte violents de plus en plus dangereux de ce garçon de 13 ans qui ne peut expliquer comment ça lui vient directement de l’Autre : « Je sais pas pourquoi j’ai fait ça … il est fou M. » ajoutait-t-il en parlant de lui-même à la troisième personne avant d’affirmer dans la foulée « il est super Mohamad Mehra ! »…ce qui me fit très vite poser la question d’un phénomène d’automatisme mental, jamais identifié chez les enfants…
=Lacan espérait un témoignage et une transmission possible de la psychanalyse avec sa proposition de la Passe. Avant « la Troisième » le 2/11/73 il faisait une intervention sur la Passe : « ce couloir, cette faille par laquelle j’ai essayé de faire ma Passe, j’aurai peut-être pu en inventer une plus subtile…s’il y a quelqu’un qui passe son temps à passer la passe c’est moi ! » En juillet 78, il sera déçu et constate l’échec de la Passe:
« rien ne témoigne que le sujet (supposé savoir) sait guérir une névrose… ».
Il restera toujours aussi seul malgré l’importance de son assistance : « chaque psychanalyste sera forcé de réinventer la psychanalyse puisqu’elle reste intransmissible ».
La fonction de l’analyste serait donc de tenir la rampe du Réel, mais quelle « rampe tenir » ?
Comment tenir dans le champ du social si les institutions, qui assurent une limite symbolique à la folie ordinaire humaine, disparaissent? Elles sont devenues des Etablissements puis des Services puis des « pôles »… entreprises acéphales, commandées par la pure économie de marché, broyant des un-dividus… Exit le sujet d’un côté…et de l’autre l’analyste qui doit « contrer » le Réel…mais si ce réel n’est plus délimité, comment le « coincer » ? Dans quelle sorte d’im-passe sommes-nous ?
Dans le vent d’une société plutôt désarrimée, le nœud bo peut-t-il encore servir de boussole pour des parlêtres en « dés errance », non arrimés à un S1 ? (comme le souligne Sciara dans son ouvrage sur les Banlieues) Comment les désengluer de ce discrédit de la parole et de la castration et sortir des effets de cette « pseudo-suture » ? (récusation du transfert).
Quelle autre éthique pour l’analyste ? Dans Les non dupes errent (73-74) Lacan proposait de : « nous forger une autre éthique, qui se fonderait sur le refus d’être non dupe » de ce savoir (ics) pour produire les S1 (signifiants premiers d’un sujet), chiffrage d’une vérité qui ne peut que se mi-dire (leçon2,p31)… Sortir d’une position pessimiste.
la praxis sera donc toujours à réinventer. « C’est quand la psychanalyse aura rendu ses armes devant les impasses croissantes de notre civilisation (malaise que Freud pressentait) que seront reprises par qui ? les indications de mes Ecrits ». (67 : Raison d’un échec).
, Ste Anne le 10/03/2013.
Les chiffres entre parenthèses correspondent aux pages de la transcription de « la troisième » dans l’édition de l’ALI d’aout 2010 en annexe du séminaire « les non-dupes errent » 73-74.