Mathinées lacaniennes
Pourquoi Lacan avec Joyce
Pourquoi Lacan avec Joyce ?
C’est peut-être reprendre le titre en l’inversant d’une publication Navarin qui date de 87, mais pour à l’inverse de cette publication accentuer qu’à partir du Sinthome le cheminement de Lacan se fait sur ce qui s’impose à lui de la lecture de Joyce.
Il s’agit de Joyce le Symptôme à entendre, dit-il, comme Jésus la caille : c’est son nom. Il le nomme et le surnomme le Symptôme, comme le Symptôme par excellence.
Comment spécifier ce symptôme ? Hellénisons comme Joyce. Revenons au grec. Sumptoma, ça signifie affaissement, d’où coïncidence, rencontre, puis chez Aristote évènement fortuit, qui donne évènement malheureux, malheur, et enfin symptôme au sens ordinaire du terme comme ce qui signifie autre chose chez Platon. Ptoma, c’est la chute, du substantif pipto qui signifie tomber. Nul doute que dans l’esprit de Lacan soit présent cette équivoque du symptôme pour Joyce : chute, coïncidence, évènement fortuit, manifestation d’autre chose.
Comment cela se traduit-il chez Joyce ? Par son art, un savoir-faire, dit Lacan, son art-gueil, ce dont il n’était pas peu fier à vouloir que les universitaires s’exténuent à son commentaire durant au moins 300 ans, et les psychanalystes à leur suite.
Au service de quoi cet art ? Au service de l’eaubscène, à écrire e a u b scène, pour souligner que c’est en cela que le beau consiste- Lacan le dit dés l’Ethique de la Psychanalyse en ceci que le Beau touche au réel, donc à l’obscène. Mais pourquoi faire ? Pour monter sur l’hessecabeau du beau : « Hissecroibeau à écrire comme l’hessecabeau sans lequel hihanappat qui soit ding ! d’nom d’hom. » Cette phrase joycienne de Lacan, que dit-elle ? Elle dit de façon ramassée que c’est en faisant de son œuvre l’escabeau d’une certaine beauté formelle sur lequel il monte, lui Joyce, il finit par se croire beau, d’être revêtu d’un Ego sans cesse confirmé par la précision du commentaire qui est réservé au tissage formel de la lettre, à la complexité formelle de l’œuvre.
Pour être quoi ? Pour être dingue, ou digne, c’est selon, de nom d’homme. Le but est d’être un homme parmi les hommes, le but du symptôme, fut-ce au prix d’y faire exception d’une dignité qui pourrait être entendue comme une dinguerie.
Escabeau, avec quelle conséquence sur le corps ? Cela concerne dans cette opération la difficulté d’avoir un corps, psychique, topologique. Relisez la conférence de Lacan faite pour le colloque de Jacques Aubert. Lacan y pointe déjà un an avant la solution de son nœud cette interrogation joycienne présente dans l’épisode de la raclée et de la pelure et ailleurs. D’où vient qu’on ait un corps ?
« S’il Henrycane, le Bloom de sa fantaisie, c’est pour démontrer qu’à s’affairer de la spatule publicitaire, ce qu’il a enfin, de l’obtenir ainsi, ne vaut pas cher, à faire trop bon marché de son corps même, il démontre que LOM a un corps ne veut rien dire, s’il n’en fait pas payer à tous les autres la dîme. »
Lacan évoque alors la charité pour l’ordre des Frères Mendiants. Pourquoi continuons nous de payer la dîme pour un corps qui sinon se désaccorderait ? Nous faisons partie du processus même du symptôme. C’est que nous perpétuons le symptôme pour qu’un corps puisse s’avoir s’ avoir, c’est-à-dire advenir dans le temps d’un symptôme dont l’impossible cesserait, de s’écrire, du fait de s’écrire.
Pourquoi je dis cela ?
C’est la façon qui m’a été contesté dont je lis la première leçon du séminaire à propos de cette faille qui s’agrandit toujours, si d’aventure la castration comme possible ne la fait pas cesser.
Pour certains la gueule de l’Autre se trouve barrée par la castration, mais pour d’autres ? Pour Joyce en particulier, il était tout autrement. Il était lui aussi tributaire de cette faille, c’est le tissu de son symptôme, qui ne cessait pas de s’agrandir en une jouissance singulière. Comment cela s’inscrit-il dans le dernier nœud de Joyce ? A mon sens c’est cette façon dont l’inconscient, et non pas le symbolique, car Joyce n’en relevait pas, se noue olympiquement au réel, sans l’imaginaire puisse y être tissé.
C’est étrange, nous avons ce nœud final, et Lacan quelques mois auparavant dit que Joyce était désabonné de l’inconscient. Comment l’entendre ?
C’est que, comme Lacan l’explique très bien, il y a dans notre rapport à l’inconscient la recherche au-delà de l’équivoque d’un sens sexuel dont l’élément inconditionné dans la réalité psychique est le Nom du Père. Ce qui justifie une analyse n’a d’autre chance de parvenir à résoudre la jouissance hors sens que nous rencontrons du fait de l’Autre qu’à se faire la dupe du père. En est-il ainsi pour Joyce ?
C’est précisément ce dont il fait l’économie par son symptôme. Ce père n’est ni repérable chez lui au niveau d’un symbolique qui n’existe pas, ni d’un rond quatrième comme nomination symbolique. Alors comment se débrouille-t-il ?
Le symptôme est ce qui conditionne lalangue, Joyce la porte à la puissance du langage, pour autant qu’il fait de lalangue la structure même du langage, ce qui ne va pas de soi. Car la structure du langage est supposée excéder la matière de lalangue. Sa lecture nous laisse interdit. C’est le cas de Finnegans Wake. Car avec lui il n’y a en fait que la jouissance que nous puissions attraper au mépris de l’équivoque habituel du signifiant et des nominations qu’elle suppose.
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Pourquoi cette liberté de la jouissance hors sens qui trouve son acmê dans Finnegans Wake ? Parce que du côté du Nom du Père, c’est le vide. Vous vous en souvenez, toutes les indications que Lacan va chercher chez les biographes de Joyce, vont dans le sens d’une radicale défaillance du père, soulographe, SDF, ruiné, nationaliste nostalgique d’un héros déchu, Parnell, et avec pour conséquence chez Joyce sa queue un peu lâche (au passage, ce n’est pas frappant dans sa correspondance avec Nora). Mais en tout cas cette défaillance au niveau d’un symptôme ordinairement partagé par les névrosés, cette défaillance du Nom du Père, l’oriente vers un Sinthome, à entendre comme la réparation d’une erreur, d’une erreur de nouage.