Mathinées lacaniennes

Le mythe un bouillon cube, présentation par Vincent Azoulay du livre "Sur la tortue et la lyre" de J Sheid er J Svenbro

Le mythe un bouillon cube, Vincent Azoulay
Sur la tortue et la lyre

A la suite de Claude Lévi-Strauss, les « mythologues » se sont longtemps comportés en chasseurs-cueilleurs, recueillant patiemment toutes les versions d’un même mythe afin d’en dégager les éléments invariants. Cette approche a eu l’immense mérite de révéler l’existence d’une « pensée sauvage » – une manière logique d’appréhender le monde à travers des couples d’opposés (cru/cuit, droite/gauche, sec/humide, haut/bas…). Toutefois, cette tradition structuraliste repose sur deux postulats discutables : d’une part, elle présuppose l’existence de récits « mythiques » perçus comme tels par tout lecteur, dans le monde entier ; d’autre part, elle tend à identifier le mythe à l’histoire qui y est racontée.
Dans un ouvrage qui a fait date, L’Invention de la mythologie (Gallimard, 1986), Marcel Detienne avait déjà montré que, loin d’être une catégorie universelle, la « mythologie » était une invention moderne : le terme fut forgé au XVIIIe siècle pour isoler un certain nombre de récits considérés comme fictifs, voire irrationnels – ceux que l’on qualifiait auparavant de « fables » –, de façon à accentuer la différence entre les « mythes » païens, caractérisés par leur fausseté, et la révélation chrétienne, forcément véridique.
Dans un livre aussi original qu’inventif, Jesper Svenbro, ancien directeur de recherche au CNRS, et John Scheid, professeur au Collège de France, s’attaquent au second pilier sur lequel reposent les analyses structuralistes des mythes : leur focalisation excessive sur la narration. Leur démonstration érudite repose sur deux partis pris : tout d’abord, plutôt que d’analyser les mythes comme des produits finis – un système d’énoncés stabilisés –, il faut plutôt s’attacher à comprendre leur genèse ; ensuite, les mythes ne se fabriquent pas avec des idées, mais à partir d’objets, de mots ou de noms, qui forment la condition préalable à leur élaboration.
Le nom du héros
Telle est en particulier la force des noms :...

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