Mathinées lacaniennes

A quoi reconnaît-on une secte? conférence de Charles Melman à la Maison de l'Amérique latine en 2001

 

A quoi reconnaît – on une secte ?

Charles Melman

Cycle de conférences à la Maison d’Amérique latine

Octobre 2001

 

 

 

 

C’est un peu pour mettre au défi les psychanalystes que j’ai proposé ce thème puisque, comme vous le savez, la définition de secte échappe aussi bien aux théologiens, aux spécialistes de l’histoire de religions, aux sociologues, aux moralistes… En tout cas, ils en apportent souvent des définitions diverses mais dont aucune, en tout cas, ne semble satisfaisante pour chaque fois distinguer très précisément le phénomène sectaire et lui donner l’interprétation qu’il mérite, c’est-à-dire, du même coup décider ce qui pourrait être une conduite légitime à leur endroit.

Vous savez en effet que nous avons, en tout cas en Europe, mais aussi dans d’autres contrées, aussi bien dans les deux continents de l’Amérique, nous avons le bénéfice qui fait de la religion un élément de la sphère privée des individus, je veux dire, qui ne relève pas des décisions de l’Etat et dès lors bien sûr, à quel titre est-on en droit d’intervenir sur ce qu’il en est du comportement privé de tel ou tel pour ce qui regarde son rapport à la réligion ? Il y a donc une première question qui n’est pas inintéressante et qui est de savoir si l’on est légitimement fondés en tant que citoyens à intervenir sur le phénomène des sectes, ou bien s’il convient de laisser le choix à chacun, c’est-à-dire de respecter cette liberté qui a été chèrement acquise, cette liberté de culte, ou bien, est-on fondé à intervenir pour protéger contre eux-mêmes ceux qui sont engagés dans ce genre de mouvement ? Et alors, qu’est-ce qui nous permet de reconnaître ce qu’il en est spécifiquement d’une organisation sectaire, ou bien ce qu’il en est, plus beaucoup plus communément, une organisation religieuse.

Si vous cherchez du côté de l’étymologie, vous savez que la racine vient de deux mots qui sont très explicites en latin et qui signifient aussi bien suivre que couper.

Si vous regardez dans le Dictionnaire des Religions*, édité au PUF et qui date de 1984 on vous dit qu’une secte constitue un groupe de contestation de la doctrine et de structure de l’église entraînant le plus souvent une dissidence, et dans un sens plus étendue, la secte désigne tout mouvement religieux minoritaire, ce qui est comme vous le voyez une définition faible, car on voit pas pourquoi des mouvements indiscutablement sectaires et qui intéressent des millions d’individus, pourquoi le fait, donc, de concerner des millions d’individus permettrait de dire qu’il s’agit forcement de mouvement minoritaire.

Il y a une définition de Max Weber que je vous donne, car je la trouve intéressante, et qui oppose l’église a la secte en disant que l’église est une institution de salut qui privilégie l’extension de son influence, alors que la secte est un groupe contractuel qui met l’accent sur l’intensité de la vie de ses membres. C’est une définition intéressante mais étrange car vous voyez que l’église est une institution de salut qui privilégie l’extension de son influence alors qu’il s’agit dans la secte d’un groupe contractuel, je crois que le terme mérite d’être souligné, groupe contractuel qui met l’accent dans l’intensité de la vie de ses membres.

Encore une définition de sociologues, c’est la dernière que je vous donnerai, d’Ernst * qui dit que l’église, elle, elle est accoutumée à passer des compromis avec les états alors que les sectes se situent régulièrement en retrait de la société globale.

Je pense que en écoutant, en lisant ces définitions nous percevons aussitôt ce que je vous disais au départ, c’est-à-dire finalement le fait que…alors que le phénomène est évident, nous sommes en peine pour le conceptualiser d’une façon qui serait pertinente, car aucune de ces définitions, je ne vais pas passer mon temps à les critiquer, ce n’est pas ce qui nous intéresse, aucune de ces définitions ne tient. Elles peuvent toutes être récusées.

Il est bien évident que nous connaissons des sectes fort importantes qui n’opèrent pas du tout de retrait à l’égard de la société globale et qu’au contraire cherchent à l’investir, cherchent à l’occuper. On peut pas dire qu’aujourd’hui l’Eglise se preocuppe essentiellement de passer des compromis avec les états, etc, etc.

Alors pour en parler avec vous je dois d’emblée vous dire que je n’ai pas de contact, d’expérience personnelle et privée avec les sectes. Je n’ai pas eu non plus l’occasion, je dois dire, c’est une carence mais elle ne m’étonne pas, je n’ai pas m’occasion d’avoir été amené à recevoir en analyse un patient qui viendrait de ce genre d’expérience et en réalité je pense, même je suis persuadé que les analystes n’ont guère l’occasion de les rencontrer.

Je vais donc vous en parler à partir évidement de documents qui existent sur… des documents issus, produits par les sectes elles-mêmes, bien sûr, et en particulier ceux qui m’ont retenu car je les trouve admirables, ce sont les textes de l’Eglise de la Scientologie, en particulier ceux écrits par Lafayette von Hubard et qui sont absolument superbes, qui sont une espèce d’affront à l’intelligence,et au bon sens absolument magnifique et à la vraisemblance d’ailleurs, et qui, comme vous le savez, marchent formidablement – ils rencontrent un grand succès. Et puis aussi je me suis intéressé aux manifestations de ce mouvement qui me paraît très important et intéressant et que certains d’entre vous ici connaissent directement et qui est l’Eglise universelle du royaume de Dieu et qui me paraît un phénomène par son extension, par son importance, par sa richesse, par sa puissance non seulement financière mais aussi politique, par exemple au Brésil… Donc qui est un mouvement qui me paraît très intéressant et très important de suivre.

 

Alors pour rentrer maintenant dans, plus directement dans notre question et après tout m’autorisant, je dirais, de cette démarche de Freud lorsqu’il s’autorise à parler de la psychologie collective et de montrer comment l’analyse individuelle après tout est dépendante, est liée à ce qui peut être la psychologie collective, je veux dire que nous ne fonctionnons pas certains d’entre nous comme des individus isolés mais bien entendu nous percevons un certain nombre de contraintes, un certain nombre de plaisirs, un certain nombre de possibilités du fait de notre participation sociale. Donc d’emblée poursuivant la méthode à cet égard de Freud, j’évoquerai pour vous ce qui me semble être l’économie particulière, l’économie psychique particulière du groupe que constitue la secte. Et, au risque peut-être de vous surprendre, je vous dirais que le premier trait que j’y relève est celui du bonheur procuré par l’organisation en cause à ces membres du fait de l’accord qui se trouve rendu possible à chacun avec l’ordre organisateur et prescriptif de la communauté. Le bonheur est fait de l’accord de l’individu membre de ce groupe avec l’ordre prescriptif de la communauté, avec le commandement et principes religieux, moraux et sociaux de la communauté et du même coup l’harmonie de ces rapports devenus fraternels et non plus conflictuels avec les autres membres du groupe.

C’est un type de bonheur très particulier et qui porte en psychiatrie un nom bien précis, et qui est toujours significatif, et qui est le sentiment d’élation, c’est ce qui se passe pour vous, pas trop souvent j’espère, lorsque dans des circonstances particulières vous vous trouvez brusquement en harmonie. Ce sentiment océanique, dont a pu parler Ferenczi ; pour vous trouver en harmonie avec les impératifs avec organisation du monde, avec autrui et en même temps du même coup avec vous même.

Ce n’est pas une situation qui est la plus fréquente mais c’est le type d’expérience que peut arriver à l’occasion de tel ou tel incident dans le parcours que vous pouvez éprouver ce genre de sentiment d’élation, ce sentiment d’élation que c’est accompli, que vous y êtes et que maintenant l’essentiel est résolu.

Vous pouvez remarquer également à cette occasion que ce groupe auquel vous appartiendrez fonctionne comme une famille élargie, autrement dit les structures privées de la famille sont en général rompues au profit de l’appartenance collective fonctionne comme une famille élargie où la distinction des sexes passe volontiers au second plan devant ce qui devient la communauté des enfants de Dieu, peu importe, à partir de cet instant le sexe des dits enfants, ils sont tous égaux à l’égard de cet amour pour le fondateur, pour le créateur. Et puis aussi, on peut le signaler en passant, le fonctionnement volontiers endogamique de cette famille élargie

Dans ce qui appartient toujours à l’économie propre à ce groupe on notera de façon à peu près générale un desintérêt pour les biens matériels avec un goût justement pour le sacrifice pour le fait d’avoir à y renoncer, et accompagnant à ce sacrifice des biens matériels, une exaltation du narcissisme de chacun des membres comme si enfin il se trouvait en conformité avec les idéaux propres au dit groupe.

On pourrait remarquer encore que ces sectes se comportent d’une certaine façon sur le mode du ghetto, c’est-à-dire, sur le principe de l’exclusion, de la mise a part d’une communauté des participants. Ce sentiment d’élation va avec le renoncement à ce que l’on appelle communément le libre arbitre, je dis communément parce que comme vous le savez c’est un terme qui appartient aux premières réflexions, aux premières considérations théologiques ; donc bon debarras avec mon débarras avec ce que l’on appelle le libre arbitre et la faculté de s’en remettre entièrement et pleinement au commandement prescripteur.

Toujours au titre des traits de cette économie collective, une organisation dont il faudra remarquer qu’elle n’est pas fondée sur la croyance. On serait presque enclin à dire qu’elle n’est pas fondée après tout sur la foi.

Elle est fondé en effet sur une toute autre dimension psychique qui est celle de la conviction, qui est toute autre chose que la croyance, la croyance c’est effectivement s’engager dans un acte de foi, alors qu’ici dans la matière, ils’agit de conviction et de certitude. Il n’est pas question ici du pari des pascaliens ; chacun est à l’avance assuré que son gain, compte tenu de sa mise, que son gain sera total, sera parfait, c’est le gros lot !

Un autre trait qui mérite de distinguer ces organisations sectaires des organisations religieuses c’est que le fondateur est en général éminemment incarné, je veux dire, éminemment présent dans le champ de la réalité, et la vie du groupe est organisé à partir de ce qui est son savoir et son autorité. Ce fondateur, pour reprendre une distinction très fine faite par Lacan à propos des mécanismes de la psychose, ce fondateur on le croit, ce n’est pas qu’on y croit, on le croit en tant que tel.

Une remarque encore, c’est qu’il n’y a bien entendu et je crois à mes yeux, pour moi c’est un trait essentiel du dispositif, il n’y a pas la moindre étude exégétique des textes de fondation. Ce sont des textes d’ailleurs dont le caractère prescriptif et dont les sens sont voulus pour être clair, net, précis, et donc, il n’y a aucun place à ce qui serait des travaux d’herméneutique religieuse, qu’est-ce qu’il a bien voulu dire ? On comprend pas très bien…

La programme est limpide, il est nette, il est simple et il n’y a là aucune place je dis bien pour ce qui serait à proprement parler un travail de théologie, d’interprétation. Je crois d’ailleurs que ce type de distinction dans le rapport au texte, c’est-à-dire de savoir si, à l’endroit du texte, on un travail d’herméneutique, d’exégèse, d’interprétation ou si au contraire le texte vaut comme une holophrase dans son intégralité et sans réticence et sans retrait, je crois que cette différence d’abord, de rapport au texte mérite d’être reconnue comme je dirai essentielle pour ce qu’il en est de notre devenir à partir du rapport au texte parce que comme vous le savez, jusqu’à ce jour nous sommes entièrement faits de rapport aux textes

C’est pas, c’est peut-être pas éternel, en tout cas pour le moment, nous sommes tous des produits, les enfants de certain nombre de textes et il est évident que le rapport avec eux est essentiel pour ce qu’il en est de notre fonctionnement psychique et dans la conduite de notre vie. Et dans le cas précis que je suis en train d’évoquer, je vous fais remarquer que le message que l’un de ces bienheureux reçoit de fondateur est un message qui reprend d’une façon directe, aucunement sur le mode inversé, qui est le propre de nos rapports au texte, mais il a à reproduire le programme, il a à reprendre les prescriptions religieuses avec une fidélité qui exclut toute reprise par ce qu’il en serait de sa subjectivité, et d’une interprétation subjective, une espèce d’endossement subjectif. Ce n’est aucunement ce qu'on lui demande. On lui demande de s’abolir en tant que sujet pour reprendre intégralement et textuellement ce qu’il en est du programme, et de disparaître comme sujet dans cette modalité du rapport au texte.

Alors, comme je vous le faisais remarquer il y a un instant, je ne crois pas que l’on puisse nier que ce dispositif ne soit source de ce qu’il faut bien appeler le bien-être. Le bien-être puisque le sujet se trouve, en quelque sorte, soulagé des affres de son existence, que sa conduite est bien réglée, est bien déterminé et que il a en outre le plaisir de pouvoir cultiver avec autrui une relation fondée sur une identité à peu près parfaite, c’est-à-dire des semblables qui soient effectivement des semblables, la dimension de l’altérité étant rejeté à l’extérieur du groupe et présentée comme étant le monde profane, le monde de la chute, le monde de l’erreur, le monde des déchets, etc….

Et si vous me permettez cette incidente, je vous dirais que c’est bien pourquoi chaque fois qu’une activité guérisseuse est proposée au nom d’un bénéfice qui serait celui d’un bien -être et bien, je pense que cela devrait être largement acquis dans notre culture qu’il s’agit là à chaque fois d’une menace et que le fonctionnement spirituel prend place comme nous le savons pour ce qu’il est d’un inconfort fondateur, d’un malaise fondateur, du doute, de l’incertitude, de la quête, de l’égarement, de l’échec et que ces divers traits sont les conditions d’un possible exercice spirituel. Autrement dit, le caractère justement guérisseur de ces groupes, car il n’y a aucun doute qu’ils agissent comme psychothérapies collectives, psychothérapies de groupe, et bien je crois que ce trait mérite par nous d’être soigneusement, attentivement réfléchi. Je vous cite ce qu’un médecin auditionné par la Commission Parlementaire qui en France s’est attaché au phénomène sectaire, un médecin dont la Commission dit qu’il est peu suspect à la complaisance à l’égard des phénomènes sectaires, voilà ce qu’il a déclaré : Vous rencontrez le meilleur et le pire dans les sectes. Parfois par le biais des sectes les personnes se retrouvent dans un groupe chaleureux, d’autres redonnent un sens à leur vie, d’autres encore se structurent. Parmi mes patients certains sont entrés dans des sectes. Je ne voudrais pour rien au monde qu’ils en sortent car cela leur sert momentanément de tuteur. Bien entendu cela ne légitime pas l’ensemble du phénomène, mais c’est vous dire qu’il y a des aspects très positifs. Si on ne le comprend pas on comprendra pas davantage le succès des sectes. Nos contemporains ne sont pas des imbéciles. s’ils se ruent par centaines de milliers dans ces mouvements c’est qu’ils ont des raisons et surtout qu’ils y trouvent de réponses.

Une autre des personnalités…, c’est publié sous le couvert de l’anonymat, on ne connaît pas les honorables confrères qui ont produit ces jugements, mais une autre de ces personnalités auditionnées déclare, en insistant sur la transformation personnelle et l’amélioration des capacités de chacun des membres de la secte et il déclare, Il est vrai que si on se mobilise, comme c’est le cas dans les sectes, on augmente ses capacités et il trouve le fonctionnel allégé, petits maux de ventre, de tête, les rhumatismes disparaissent pour peu que l’on ait une plus forte motivation.

Les sectes obtiennent donc des résultats. C’est vrai que l’on augmente ses capacités, c’est vrai que si l’on se mobilise autour de n’importe quoi , même le culte de la betterave, on peut devenir meilleur, plus fort, plus efficace et plus dynamique. Nous sommes tous tentés de développer notre potentiel, qui d’entre nous ne le serait pas ? Les personnes se ruent dans les sectes parce qu’ils ne trouvent plus dans le monde que nous leur avons construit les repères, les moyens de mobilisation, la crédibilité des appareils, bien sûr nous sommes lourdement responsables.

On attrape les mouches avec du vinaigre. Les gens ont besoin d’idéal. On rentre dans une secte avant tout par idéal.

Il ne faut pas se tromper, les sectes manient une langue de bois que l’on ose même plus pratiquer ailleurs, et, témoignage d’un ancien adepte d’une secte, pour quoi des individus sont poussés à y adhérer ? Voilà ce qu’il déclare : Tout d’abord je crois qu’il y a ce mal du siècle, ce mal de vivre qui est de plus en plus présent, la cellule familial est souvent éclatée, le père en particulier est souvent absent ou au contraire trop présent par sa violence, par exemple. A travers un secte, on recherche une famille, un père d’emprunt, une autorité, un modèle qui nous fait défaut. Du jour au lendemain on se retrouve avec deux cent, trois cents amis, qui vous recevront, qui vous accueilleront. Votre couvert sera mis.

Et on vous entendra, et vous vous sentez en confiance. Les personnes qui rentrent dans les sectes sont souvent des idéalistes, des personnes qui recherchent la perfection, pas toujours mais en partie. Personnellement, l’éclatement familial, le désir idéaliste m’ont poussé, le gourou nous disait « le monde va mal, il suffit d’allumer la télévision à l’heure des informations pour s’en convaincre. Il y a des guerres, des maladies, des problèmes partout, le monde va mal. Que peut-on faire à titre individuel pour essayer qu’il aille mieux ? C’est ce que nous proposait le gourou. Nous voulions améliorer la situation de la terre, de la planète des autres. Commencez par vous-même, commencez par vous transformer et vous transformerez le monde et j’y croyais. Je me transformais pour transformer le monde.

Je crois que tous ces témoignages, aussi bien des médecins que d’anciens adeptes de sectes, nous rendent bien compte de ce qui est parfois l’authenticité, à la fois le trouble produit par ce que j’évoquais pour vous de cette économie particulière induite que par le jugement apporté sur ses conséquences. La question donc à laquelle nous avons ce soir à très brièvement répondre, nous avons à esquisser la réponse, cette question est la suivante : quelle est, à quelle demande populaire réponde donc cette offre ?

Parce qu’il est évident qu’il n’y aurait pas de secte s’il n’y avait une demande et qu’est-ce que ces sectes offrent pour répondre à cette demande. La réponse que je vais vous proposer, qui est ma thèse, est ce qui justement permet de distinguer secte et religion. Car on ne va pas dire qu’il s’agit simplement d’un besoin spirituel auquel répondraient des officines qui auraient étudié le marketing de la question comme il convient, c’est tout-à-fait le sentiment que l’on a quand on s’intéresse à la Scientologie, c’est-à-dire, que l’inventeur génial de cette affaire, c’est-à-dire Lafayette von Hubard. Lisez, vous les trouvez pour pas très cher, ses bouquins… L’electropsychomètre est un peu plus cher, c’est un appareil qui permet de mesurer, je ne sais pas quoi, un potentiel évocateur qui fait que vous y êtes sur la question. Alors il y a l’aiguille qui se déplace… ça, ça coûte plus cher, l’electropsychomètre, mais le bouquin, vous pouvez vous l’offrir beau marché, et sa lecture est tout à fait instructive car cette homme a parfaitement flairé, pigé de quelle façon on pouvait faire de la religion unbusiness contemporain particulièrement rentable et que le degré de crédulité de nos contemporains à notre époque de formation rigoureuse et scientifique, ce degré de crédulité était immense.

Mais je reviens a ma question. Qu’est-ce qu’offrent les sectes à cette demande populaire ? Elles offrent ce que nos democracies et nos organisations politiques ont souvent perdu ou dont elles ont la nostalgie, elles offrent un maître. Voilà ce qu’elles offrent. Un patron. Un maître. C’est-à-dire, un guide. Vous pouvez le traduire en allemand si vous voulez… Il vous soulage du doute, du choix, de la responsabilité. Il vous soulage de l’existence. Vous avez simplement à suivre, à obéir. Ce qui, comme vous le voyez, n’est pas du tout identifiable à ce qui est une religion. Une religion qui est organisé, celles qui sont issues du monothéisme, qui organisés donc autour d’un figure paternelle et qui donc d’emblée accordent la rémission des péchés, d’emblée sait que vous serez en infraction avec la loi, et qui d’emblée reconnaît en vous cette division qui est propre à tout croyant, à tout fidèle ici, puisque c’est vouloir, c’est chercher et qui est donc une religion évidement d’amour.

Ici ce n’est pas du tout forcement le cas. Ce qui importe, je dis bien, c’est le commandement. Et si vous vous amusez à aller voir la diversité de programmes offerts par les diverses sectes, parce que c’est un éventail, c’est un panorama, c’est un fourre-tout, c’est miraculeux, c’est merveilleux, c’est incroyable, c’est strictement… on y cherche, comme je vous le disais tout à l’heure… on n’a aucun souci, plus c’est invraisemblable, plus c’est cocasse mieux c’est. Le seul trait commun entre des programmes aussi différents c’est le caractère impérieux, impératif, obligatoire, sans manquement possible, sans aucune rémission de faute de ce qui est à l’intérieur de ce groupe prescrit. Et c’est sûrement de la part des observateurs extérieurs, ce qui fait leur retrait, leur surprise quand ils apprennent par un échappé ce qui se passe à l’intérieur, leur retrait, leur sentiment effectivement de se trouver devant un système de type totalitaire de telle sorte que s’il devait y avoir quelque assimilation avec la religion on pourrait dire que les sectes réalisent la religion « plus », il y a un bonus qui fait toute la différence.

On remarquera aussi que le type d’organisation, je dirais, donne en outre ce sentiment très agréable, très recherché aujourd’hui, qui figure très volontiers aujourd’hui parmi les exigences contemporaines, c’est le sentiment de proximité. Cela n’a non plus seulement le caractère universel ou à prétention universelle des religions que nous savons, mais ça a là un côté local, je dirais presque régionaliste, en tout cas un mode d’organisation de proximité qui intervient au titre des facteurs d’agrément.

Alors il est du point de vue psychopathologique intéressant de retenir que ce dispositif met, peut mettre les adeptes dans une situation de dépendance qui est parfaitement égale comme vous le savez à la relation de dépendance à l’endroit des produits, des drogues diverses. La dépendance n’est pas à prendre là seulement comme une métaphore. Je veux dire que les adeptes peuvent de trouver en état de manque dès lors qu’ils sont extraits de cette communauté, le ressentir avec une extrême violence, un grand désarroi psychique, de l’angoisse, un sentiment de désorganisation. Autrement dit, ces sectes, n’est-ce pas, font des accros. Et la difficulté bien entendu du législateur est d’avoir affaire à un public qui est non seulement consentant mais qui en redemande. Comment donc intervenir s’il n’y a de plainte que latérale, que marginale, qu’accidentelle comme lorsque par exemple une famille vient se plaindre que son enfant ait été ainsi soustrai, mais si le gosse est majeur, comment aller contre ce qui sera la parfaite adhésion dont il fera état. Alors, nous pouvons tenir cet étrange appétit pour un maître comme éventuellement une réponse évidemment au type d’athéisme induit par la science et comme vous le savez la surprise des observateurs c’est de constater qu’il y a souvent de scientifiques de bon niveau qui font partie de ces mouvements.

Nous pouvons évidement, c’est facile invoquer le fait que les migrations, la mondialisation, etc. entraînent à s’écarter, à s’éloigner de ce que l’on appelle les racines, propres à chacun, et puis aussi bien sûr au fait que nous n’avons plus guère dans notre éducation des projets existentiels. Ce qui comme le disait tout à l’heure ce médecin quand il y a des motivations, ne serait-ce que pour le culte de la betterave, on se mobilise, on se sent mieux on oublie les rhumatismes, le mal de tête, etc.

Il y a aussi bien sûr, et je l’évoquais tout à l’heure, le fait que lorsqu’on lit les textes de l’Eglise de la Scientologie qui est, je dirais, organisée en un réseau souterrain, en un réseau souterrain souvent, assez remarquable, avec une organisation secrète assez remarquable. Je ne sais pas si vous avez suivi ces péripéties dans la presse mais les dossiers de l’Eglise de la Scientologie qui était instruit une juridiction provinciale ne cessent pas de disparaître, on va les chercher, ils ne sont plus là. Et puis, donc, l’Eglise de Scientologie organisée comme une véritable commerce, on y vend de la marchandise que manifestement il y a un tas de gens qui apprécient et qui veulent.

Et puis avec l’Eglise Universelle de Royaume de Dieu, ce qui risquerait d’apparaître comme une surprise, c’est-à-dire de constater que les pauvres et les misereux car il constituent quand même au Brésil une fraction importante sinon majeure de troupes de cette église, et bien, on aurait pu spontanément croire que ces pauvres avaient besoin de subside, de subventions, des bons alimentaires… ce que cette église, ce que ces évêques de cette église ont parfaitement compris c’est que ce dont ils avaient besoin c’était de payer, eux qui n’ont pas un sous, ce dont ils avaient besoin c’était de se sacrifier et payer et d’acheter leur salut futur. Et pour ceux d’entre vous qui ont pu voir le film montrant la façon dont ce public miséreux s’empresse de venir donner son salaire, le maximum du salaire, n’est-ce pas, aux évêques qui sont là, à recueillir ces dons, c’est une opération qui par elle-même est à la fois scandaleuse et en même temps émouvante.

Et en même temps, je dirais le dur mérite de nous rappeler certains traits majeurs de notre psychologie puisque il est limpide, clair que ces organisations sectaires sont des organisations maffieuses dont les victimes sont consentantes, dont les victimes ne sont pas contraintes, de telle sorte qu’il n’est pas excessif ou absurde si l’on consent de l’envisager comme telle, de noter ce goût pour ce qu’il faut bien appeler des micro fascismes, c’est-à-dire d’organisations en faisceau d’un groupe, à partir du principe d’un sacrifice commun à accorder, à payer et qui concerne non seulement ses propres biens, non seulement son organisation familiale, mais comme vous le savez, qui peut aller jusqu’à celui de sa propre vie sans problème majeur comme cela a été illustré à quelques reprises. Ce qui différencie donc radicalement des sectes des religions c’est qu’en aucun cas il s’agit pour elles d’un père qui aime ses créatures, mais il s’agit d’un maître à qui il faut donner et pour lequel il faut être prêt à mourir.

Il me semble que ces remarques que je vous ai proposées introduisent un type de séparation, de distinction qui pourrait éventuellement servir justement pour distinguer les deux phénomènes et ne pas fonctionner sur une espèce d’équivoque, et sur ce qui serait après tout la liberté de croyance, la liberté de culte, le fait que la religion serait, relèverait de la sphère privée de chacun. Est-on en droit, est-ce que l’Etat est en droit d’intervenir, l’Etat républicain est en droit d’intervenir sur des telles organisations, contre de telles organisations ? Je crois que cela dépendra justement essentiellement des conceptions qu’il sera amené, des conceptions théoriques qu’il sera amené à s’en faire et du même coup de l’argumentation qu’il pourra se donner pour agir. Mais je crois pour ma part que ce type d’entreprise, comme celle que j’évoquais entre autre en dernier mais il n’y a pas qu’elle, la secte Moun, les sectes dérivées du bouddhisme, les sectes japonaises qui sont particulièrement autoritaires… Je crois que nous ne pouvons rester insensibles, et je dirais au nom de la liberté, comme je disais il y a un instant, de croyance et d’opinion, et c’est tout ceci comme ça dans… marqués par le souci de la libre entreprise. Je crois que nous avons à être un peu plus présents, et un peu plus actifs pour nous donner les moyens conceptuels de nous y opposer.

Voilà ces quelques remarques. Merci pour votre attention.

 

Bernard Vandermersch : Nous vous remercions beaucoup de nous apporter des éléments pour nous orienter dans cette affaire. Pour poser quelques questions avant de passer la parole dans la salle, il me semble que dans votre façon d’envisager les choses il y a des points très forts et d’autres qui me semblent… plus ou moins…

Charles Melman : plus faibles…

B. V. : Non, mais…en tout cas ce qui me semble très très fort c’est ce que vous appelez cette appétence pour le maître qui est effectivement un point sur lequel il y a une différentiation massive, cette espèce d’abolition subjective souhaité, et qui s’écarte de ce qui se passe dans les religions. C’est une question que je voulais vous poser à cette égard, pourquoi cette appétence pour la maîtrise et cette abolition de toute coupure entre ce qui commande et ce qui obéit, coupure où se situerait le sujet en fin de compte, pourquoi cette appétence réclame-t-elle ces dons, ces offrandes supplémentaires, le sujet ayant déjà consenti quelque part à son abolition ?

Quelle est l’économie qui vient, subjectivement je parle, pour un sujet qui vient consentir à payer ça un prix exorbitant ? Voilà c’est cela ma première question…

Ch. M. : Merci Bernard. Mais ça fait partie si vous voulez de ce que l’on note de plus traditionnel dans les cultures ante religieuses et que nous connaissons, n’est-ce pas ? Le sacrifice a toujours été un élément essentiel de l’organisation sociale et en particulier le sacrifice aux dieux. Alors c’est là, l’un des grands traits de l’humanité, les motivations sont souvent celles de le vouloir riche et puissant, et plus les dons sont importants, y compris éventuellement en jeunes gens et en jeunes filles, plus, n’est-ce pas, ce dieu est supposé, ce maître, est supposé florissant. C’est une économie très ancienne dont il est intéressant de noter qu’elle reste vivace n’est-ce pas, justement que la religion ne semble pas avoir effacé ce mode très primitif de rapport aux dieux ou aux maîtres.

Donc cela ne paraît pas du tout de l’ordre de la surprise…

B.V. : Cela serait donc pourtant un dévoilement massif de cette structure fondamentale…

Ch.M. : Oui.

B. V. : On fonde son existence dans un sacrifice, c’est là, c’est plutôt son abolition au profit de faire tenir un dieu.

Ch.M. : Il ne s’agit pas là, dans ce cas là de fonder son existence, mais de se fonder comme existant, c’est-à-dire comme aimé et comme reconnu par ce dieu, ce qui n’est pas la même chose, d’être reconnu comme un membre de la communauté dont il est le fétiche, dont il est le totem, dont il est l’emblème, etc.

Roland Chemama : Quelle différence est-ce que vous verriez entre le fascisme politique et ce micro fascisme que vous avez décrit ?

Ch. M. : La différence, Roland, elle tient surtout en ceci, c’est que ces micro fascismes, comment dirais-je, n’ont un pouvoir que très locale, n’est-ce pas ? très parcellaire. Mais autrement, un autre élément est sans doute que le militarisme ne constitue pas un trait spécifique de ces groupes mais l’agressivité, les démarches agressives et offensives, en particulier pour se faire connaître, oui. Mais en dehors du fait, dont je dis bien que le pouvoir de ces groupes se trouve limité à des surfaces, des espaces particulièrement restreints, quelques hectares, n’est-ce pas ?

(retournement de la cassette)

 

R. Ch. : parce qu’en même temps vous avez démontré qu’ils pouvaient réunir des millions d’hommes…

Ch. M. : oui !

R. Ch. : Donc on pourrait imaginer que la ressemblante structurale avec le fascisme est telle, qu’est-ce qui empêcherait ces groupes de s’installer, de pouvoir…

Ch. M : Je suppose que vous me tendez la perche, en fin, comme vous le savez, et comme ça m’a été confirmé récemment par Angéla, l’Eglise Universelle du Royaume de Dieu a un pouvoir politique important au Brésil et la question serait éventuellement de savoir s’il est possible aujourd’hui qu’un président de la république au Brésil puisse se passer de leur soutien s’il veut être élu…

Puis, ça intéresse aussi , s’il y en a parmi vous qui êtes psychanalystes, puisque ladite église a ses psychanalystes, n’est-ce pas ? , promeut ses psychanalystes et peut très bien demain être la beneficiare d’une loi qui réglementera la profession, de telle sorte que ce seront les membres de l’église qui seront seuls reconnus légalement au titre de psychanalyste.

XX : Je voulais vous demander si vous faites une différence extrêmement nette entre religion et secte, quel statut pourrait-on donner à l’Opus Dei au sein de l’Eglise catholique, qui a beaucoup des caractéristiques de sectes, **qui joué un rôle extrêmement important dans l’Espagne franquiste et après et qui continue à être promu au sein du Vatican par le pape…

Et donc, j’aimerai avoir votre avis là-dessus.

Ch. M. : Ca aussi c’est une question amicale… Il y a une longue tradition de flirt entre le pouvoir et l’Eglise, et le pouvoir politique, nous le savons, c’est ce qui a donné la Reforme. On peut pas ignorer, et il est certain qu’une tradition soit ce qui s’abolit si aisément, si tant est qu’on ait la volonté de l’abolir. Il est donc certain qu’il y a dans l’Eglise cette participation temporelle que vous évoquiez et vous pourrez souhaiter que l’image de César ne soit pas distincte de celle du pontife, ça c’est clair…

Mais au moins ce qui est quand même notable c’est que aussi avertie soit-elle, parce qu’il est bien évident que les spécialités au Vatican et ailleurs connaissent tout ça parfaitement, ils ne jouent pas la carte de sectes. Ils ne s’engagent pas sur le terrain, je dirais démagogique, des organisations sectaires.

Jeanne Wiltord : Il semble que c’est quand même la montée des sectes sur le plan social qui a poussé dans l’Eglise catholique la formation de mouvements charismatiques. C’est-à-dire qu’ils sont quand même…

Ch. M. : Sans doute. Mais je dirais que malgré cela, je prend votre remarque qui est importante et précieuse, mais malgré cela je dirais que la distinction me semble néanmoins pertinente et que même dans les mouvements charismatiques il s’agit de reconstituer ce qu’il en serait du plaisir et du bonheur de la foi, des rites et de la communion collective, n’est-ce pas ? Je veux dire que tout un ensemble de phénomènes qui sont un peu tombé en déshérence dans les églises et bien, je dirais que malgré ces mouvements charismatiques on ne trouve pas, l’église ne s’avance pas déguisée sur ce terrain. Elle ne cherche pas à employer les mêmes instruments, les mêmes armes… les mêmes moyens

Christiane Lacôte : ce qui m’a le plus intéressé dans ce que tu as dit est ce qui concernait la certitude par rapport au doute qui est toujours au fond du domaine religieux. C’est un point de clivage très important. Cependant je trouve qu’il y a beaucoup de différences dans les types de certitudes et je te demanderais bien sur quoi ça s’applique entre quelque chose qui dans l’église de la Scientologie est tout de même de l’ordre d’un bonheur pragmatique tandis que, par exemple, du côté des raëliens, j’ai eu à faire à un raëlien, à faire à des gens comme ça, il y a un type de certitude quasi délirant. Parce que cela vient des astres, il y a des ovnis, des choses intéressantes. Voilà. Quelles sont les deux bornes de cette certitude ?

Est-ce que dans l’église de la Scientologie c’est simplement la certitude liée à l’obéissance à des ordres ? On ne peut pas que le contenu implique une certitude tandis que dans des sectes à contenu apocalyptique, il y a un contenu représentatif…

Ch. M. : Je ne suis pas sûr…je ne suis pas certain qu’il y ait une différence majeure parce que – comment dirais-je ? Si l’on prend par exemple les raëliens, il faut quand même pas oublier que les soucoupes volantes ça a été un grand thème populaire pendant quelques décennies. Il y a moins en ce moment, c’est bizarre. Il doit y avoir, je ne sais pas, une pénurie (rires). Il y a quand même eu un moment, il y a eu des années durant lesquelles beaucoup de gens ont vécu avec… les soucoupes volantes, combien on avait vu… ?

Je vais donc dire que nous sommes évidemment, spontanément, comme tu sais, tous enclins à penser qu’il y a un peu plus haut, qu’il y a là sinon un être, du moins des êtres qui ne demandent qu’à entrer enfin en contact avec nous. Je veux donc dire que c’est à la limite là encore de ce qu’on pourrait appeler une physiologie, de la psychopathologie de la vie quotidienne. Et je ne dirais pas que ce type de certitude est essentiellement différent de l’autre.

Ch. Lacôte : Je parlai de la quête de certitude engagée par l’Eglise de la Scientologie…

Ch. Melman : Oui, bien sûr…La certitude…

Bernard Vandermersch : Je ne suis pas sûr que ce soit de la certitude, ce serait plutôt de la conviction, sinon on serait dans la paranoïa.

Ch. M. : La conviction est toujours ce qui est en rapport avec une vérité structurale. Et donc … Il n’y pas à la limite… Croire qu’il y a quelqu’un dans l’Autre, c’est de l’ordre de la conviction, et je dirais que le vrai problème c’est de savoir pourquoi cela ne se vérifie pas plus souvent ? Le vrai problème ne serait pas tant qu’il y ait des gains qui croient aux soucoupes volantes, mais pourquoi il y en a qui ne croient pas ?

Donc moi je crois que la conviction est à tenir dans ce registre, conviction qu’il y a du maître et que donc c’est une faute de ne pas affaire, en entendre les lois.

C’est de l’ordre d’une conviction qui là aussi c’est pas de l’ordre de la psychose, c’est de l’ordre de ce que la structure met en place pour chacun d’entre nous et qui fait que ça va tout seul. La vraie question étant pourquoi il y en a qui s’en passent…

Cecilia Hopen : Je voulais vous poser une question qui est peut être un peu risquée …J’essaie de me répondre, de me demander quelle différence il y aurait entre ce que vous dites des sectes et un groupe religieux fondamentaliste, intégriste ?

Ch. M. : Ah voilà ! Merci, Cecilia, Oh ! Je n’ai rien à dire là-dessus… Désolé mais…

XX : Je voudrais savoir si pour vous ce maître des sectes favoriserait le fantasme du père du père, plus accessible (…) que Dieu, est-ce qu’il n’y aurait pas là une structure (…)

Ch. M. : Oui, sans doute vous avez raison, c’est un avantage, d’autant que ces sectes ont le sens de la hiérarchie, de l’accession, de monter de degrés, des approches, n’est-ce pas ? Ca occupe une vie, c’est merveilleux de voir ça, périodiquement par son excellence monter les degrés qui vous mettent de plus en plus près de l’autorité, de l’autorité suprême. Sûrement ce que vous évoquez est surement un des facteurs moteur de l’affaire…

Oui…

Alors on est censés être tout près de la psychose dans tout ça, et cependant, qu’est-ce qui fait dire que ce n’est pas psychotique ? C’est qu’il y a des gens qui font leur beurre, leur affaire, il y a des gens qui ne sont pas fous.

Maha Hammad : Ils recrutent quand même parmi les psychotiques !

Ch. M. : Pas seulement, pas seulement, Maha…

B.V. : Est-ce que dans le fond, est-ce qu’une position paranoïaque, un paranoïaque supporterait ce type de lien, sinon d’un façon très xénopathique, sans être hallucinés inmediatement…

Je pense que c’est plutôt des névrosés en souci de se soulagés en raison de…

Ch. M. : Des névrosés dans la nostalgie de n’être pas psychotiques !

XX : Il y a des patients qui trouvent une certaine armature…

Ch. M. : Mais il n’y a pas que des schizophrènes. Ce ne sont pas des repères.

Virginia Hasenbalg : Est-ce qu’il s’agirait d’un phénomène qui a lieu au sein d’un discours hystérique puisqu’il s’agit d’un père imaginaire dans ce maître? Est-ce qu’on peut concevoir que ce phénomène puisse avoir lieu avec des structures obsessionnelles ?

B.V. : Pourquoi est-ce qu’une hystérique serait plus favorisée puisque l’adresse au maître est tout à fait différent. Au contraire, elle a un appétit du maître mais sans aucune, sans aucun souci de soutenir une subjectivité. Ce serait presque le contraire de la position hystérique.

Ch.M. : Ce qui paraît quand même dramatique c’est que si vous voulez voir un groupe social heureux, c’est ça qui moi me paraît scandaleux, ce qui me hérisse, si vous voulez voir un groupe social heureux, et dont les gens le disent, et bien allez voir là dedans. C’est ça qui paraît abominable.

XX : Est-ce qu’il ne s’agirait d’un système qui nie la psychopathologie ? Qui nie notre système de pensée. Parce qu’au fond les sectes c’est mondiale, c’est mondial et local en même temps. On pourrait même penser une nouvelle forme de psychose. Je crois que c’est un faux problème de poser la question, quelle type de patient peut y adhérer. Moi je pense que ce qui est fort dans le système(…) Il n’y a pas de texte, il n’y a pas de division…(…) Notre problème c’est la négation du symbolique

Ch. M. : Je vais vous lire quelques phrases du programme de la Scientologie : La Scientologie comporte un certain nombre de connaissances qui proviennent de certaines vérités fondamentalesParmi les premières de ces vérités sont les suivantes : l’homme est un être spirituel et immortel. C’est bien ça ! Son expérience va bien au-delà de la durée d’un vie.

On est sur terrain familier, tout le monde se retrouve avec sa formation coutumière… Ses capacités à l’homme sont illimitées même si elles ne sont pas réalisés dans le présent… Ca c’est déjà quelque chose… là d’un seul coup on sort des sources religieuses, là … ses capacités sont illimitées, de plus la scientologie considère que l’homme est fondamentalement bon et que son salut spirituel dépend de lui-même et de ses semblables ainsi que de l’accomplissement de sa fraternité avec l’univers

X.X. : C’est de la littérature pour des gogos, et quand on lit ce qu’ils écrivent pour leur hiérarchie ça n’a rien à voir avec ça, c’est même exactement l’inverse.

Ch. M. : Bien sûr…Et alors, quel est le premier moyen d’appliquer les vérités fondamentales de la Scientologie à la réhabilitation de l’esprit humain ? Le premier moyen s’appelle ?  ça s’appelle l’audition. Il s’agit là de la pratique centrale de la scientologie. Elle est administré par un auditeur, du latin audire, celui qui écoute. Autrement dit les auditeurs de la Scientologie aident des individus à atteindre ce but en leur faisant examiner leur existence par le biais d’une série d’étapes soigneusement conçues par Lafayette von Hubard, n’est-ce pas ? Le but c’est de devenir auditeur. Autrement dit, vous n’inculquez rien au candidat à l’église, il faut être auditeur, il faut savoir l’écouter, et vous voyez de quelle manière, n’est-ce pas, ce type a le génie de venir prendre son bien dans ce qui au départ est la religion traditionnelle. Ensuite on vous dit que les capacités humaines sont illimitées et ensuite on découvre ce qui appartient évidement a la psychanalyse, on découvre l’auditeur. On n’est pas prêtre de cette église, si vous montez dans la hiérarchie vous devenez auditeur. L’audition n’est pas une chose qu’une personne subit. On ne peut tirer des bienfaits qu’au moyen d’une participation active et une bonne communication. L’utilisation de l’electropsychomètre, ou l’électromètre, etc., alors là, c’est le canular intégrale et ça ne gêne pas…

Angéla Jesuino Ferreto :

Quand je me suis intéressé à l’Eglise Universelle de Dieu c’est ce rapport au texte qui m’a beaucoup interpellée, dans le sens de voir qu’il n ‘y avait pas de folie.

Il y avait même une méfiance à l’égard de ce qui était (…) et le rapport à l’interprétation…

Ce qui me semblait moins délirant c’était tout ce qui avait trait au corps. C’est quelque chose que dans les articles en France (…) la place prédominante du rapport au corps.

Ce qui se passe dans les sectes au niveau de (…) des traitements. Et je trouvais qu’il y avait cette similitude là, alors que par ailleurs il y des tas de choses qui ne sont pas pareilles.

Cette place du corps qui est tout à fait importante.

Ch. M. : (…) Non, si ce n’est effectivement les pratiques du corps sont chez nous aujourd’hui limités à ce que l’on sait des salles de gymnastique ou des instituts de massages de beauté. Cette usage, cette destination devenue profane de la manipulation du corps laisse effectivement la place à des exercices qui se trouvent donc associés à un souci spirituel. Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ? Moi je pense que ça doit être très agréable.

X.X. : (…) Ce monsieur Lafayette dont vous venez de parler et que je ne connais pas… Il semble quand même poser le problème de la tromperie et de la canaillerie. C’est-à-dire qu’il semblerait quand même qu’au niveau de ses convictions, les convictions sont pour les autres, ceux qui viennent vers eux, par contre eux savent très bien que ça repose sur pas grande chose (. ..) de tromper, de leurrer. On est même dans une certaine forme de perversion. Il y a quelque chose qui est su par certains et qui permettrait (…) Il y aurait cet attrait pour les autres, d’être attirés justement par cette tromperie,

Ch. M. : Je suis parfaitement d’accord avec ça. Je veux dire qu’il y a là une espèce d’invitation perverse, c’est fort vraisemblable, c’est-à-dire une espèce de complicité tacite, un petit clin d’œil comme ça. Comment dire ? Autrement dit, une position avantageuse à ce que le partenaire se fasse avoir et que ça ne lui déplaise pas.

B.V. : … Sans jamais qu’il y ait un démasquage de la chose, même au plus haut niveau…

Maha Hammad : Je ne sais pas si j’ai bien compris au départ, vous parlez d’une société où il y aurait une pénurie de maître, et vous le mettiez en rapport avec le surgissement des sectes.

Qu’est-ce qu’il en serait dans les sociétés de maîtres ?

CH. M. : Ecoutez là vous me posez une question… comment voudriez vous que je réponde ? Si ce n’est que dans une société de maîtres il n’y a pas besoin de sectes. On a sous la main tout ce qu’il faut, et il n’y a pas besoin de se donner du mal pour … il suffit de payer son tribut au maître qu’il est là, si ce n’est que dans une société de maître on n’a pas le plaisir exquis que peut procurer la secte, ce qui, vous voyez c’est dommage…

B. V. : Je vous remercie beaucoup.