Mathinées lacaniennes

PROGRAMME 2011-2012-02


Mathinées lacaniennes

2011-2012

Groupe d’études animé par
Jean Brini, Henri Cesbron Lavau et Virginia Hasenbalg-Corabianu

à l'ALI, 25 rue de Lille, 75007

le samedi matin
(voir dates ci-dessous)

Le 4 février 2012
de 9 h. à 10 h.
Groupe de travail sur l'angoisse
animé par Virginia Hasenbalg
L'anamorphose, les nombres complexes et l'objet a

La construction alambiquée d'un jeu de miroirs ne suffit pas à Lacan pour rendre compte de l'objet a. C'est la raison pour laquelle, à mon avis, il parle de l'anamorphose, qui est une image non-spécularisable. Hasard ou déterminisme, ma petite construction en fabrique une par l'emploi d'un miroir concave plus large. Ce sont les mathématiques qui nous autorisent à affirmer que l'anamorphose n'est pas spécularisable, puisqu'elle est l'expression géométrique d'un nombre mathématique spécial : le nombre i. Adrien Douady, un mathématicien disciple du groupe Bourbaki a réussi, grâce à l'informatique, c'est-à-dire il n'y a pas si longtemps, à traduire ces formules en image.

(Voir Dimensions, le chapitre sur les nombres complexes)

de 10h à 11h
Atelier de topologie
animé par Henri Cesbron Lavau

Qu'est-ce qu'un nombre ?

 

de 11h à 12h
C
ycle de conférences-débat
: Le nouage RSI

Conférence de Marc Darmon





24 mars : Valentin Nusinovici

9 juin : Claude Landman

30 juin : Virginia Hasenbalg




"Que l'angoisse, chez Lacan, soit référée au désir de l'Autre et donc au manque qui l'affecte, nous permet de repérer le rôle qu'y joue la fonction phallique puisque si le phallus manque à venir dans le champ où l'objet "a" se présente comme tel, alors s'impose la question de ce que me veut l'Autre, la question du désir de l'Autre, sans qu'aucune nomination ne permette de l'organiser, de la lier dans la signifiance"

Jacques Garnier, Journées de l'Ali à Rennes, octobre 2006


 

"Pour nous mettre directement dans notre travail, je ferai appel à trois citations de ceux qui inspirent et soutiennent nos travaux:

Freud : "L'angoisse étant un état d'affect, ne peut être éprouvé que par le moi"
Lacan : "L'angoisse est le signe du désir de l'Autre"
Melman : "L'angoisse est liée à l'inexistence de lAutre"

D. Sainte Fare Garnot, Journée de l'Ali à Rennes, octobre 2006


 

C'est la corde qui fut le premier outil des mathématiciens. D'où l'importance dans la géométrie d'Euclide, de la règle (la corde tendue) et le compas (la corde fixée à une extrémité).

Ces deux outils devinrent les instruments fondamentaux de la géométrie de la droite et du cercle.

Les bords du Nil, en Egypte, sont une bénédiction pour les agriculteurs que sont devenus ces peuples civilisés depuis les millénaires. La terre y est, en effet, très fertile et les cultures y sont faciles (...) Chaque année, le grand fleuve y apporte de la nouvelle terre, et chaque année, il l'inonde pour la rendre plus riche encore.

Justement, le problème est dans l'inondation des terres. Une fois le fleuve retiré, au moment de planter, comment reconnaître son jardin, sonchamp, sur ces immenses surfaces de terre sans aucun repère?

Et c'est là que ceux qui connaissent les premiers rudiments de mathématiques, les "géomètres" (ceux qui mesurent la terre) de l'administration pharaonique, apparaissent avec leurs cordes et leurs piquets dans leurs mains, et avec les théorèmes de Thalès et de Pythagore dans leurs têtes pour tracer des perpendiculaires. Ils vont utiliser les bords du Nil comme une immense feuille de travail pour y dessiner des figures "géométriques"...

Maths Collège, André Deledicq, Editions de la cité

 


L'angoisse

 

Kierkegaard prend « l'angoisse » comme fil conducteur, dans le Concept de l'angoisse, pour explorer de quelle manière la liberté s'atteste elle-même à l'existence singulière, de façon paradoxale, seul un être libre pouvant faire l'expérience de l'angoisse - expérience de la liberté comme fardeau et obstacle. L'angoisse est le « vertige du possible », on la ressent lorsque l'on est confronté à une infinité de possibilités et qu'il faut faire un choix. L'angoisse, contrairement à la peur, n'a donc pas d'objet déterminé. On a peur « de quelque chose », mais on n'angoisse pas « de quelque chose ». L'angoisse est indéterminée, elle met en branle l'ensemble de l'existence. Heidegger dira que l'angoisse met en branle l'ensemble de l'être, et nous fait apercevoir le néant.

Nous portons la lourde responsabilité de ce choix, et de plus nous ne pouvons pas prévoir si ce choix sera bon ou pas. L'existence se caractérise par son aspect foncièrement contingent et imprévisible, l'homme doit donc se risquer à choisir et à agir sans pouvoir maîtriser totalement son avenir. C'est le sens du « saut » dans l'absurde. Aucune doctrine, aucun système philosophique ou scientifique, aucune dogmatique religieuse ne peuvent rassurer l'homme quant à ses choix, il doit les faire en âme et conscience en dernière instance.(wikipedia)


L'intervalle qui se répète, structure la plus radicale de la chaîne signifiante, est le lieu que hante la métonymie, véhicule, du moins l'enseignons nous, du désir. C'est en tout cas l'incidence où le sujet éprouve dans cette intervalle Autre chose à le motiver que les effets de sens dont le sollicite un discours, qu'il rencontre effectivement le discours de l'Autre, avant même qu'il puisse seulement le nommer désir, encore bien moins envisager son objet. Ce qu'il va y placer, c'est son propre manque sous la forme du manque qu'il produirait chez l'Autre de sa propre disparition. Disparition qu'il a, si nous pouvons dire, sous la main, de la part de lui même qui lui revient de son aliénation première.

Ecrits, page 843


A la fin de la leçon du 19 février 1974, du séminaire Les non-dupes errent, Lacan déploie sa logique modale. C'est à la page 131 de la dernière version du séminaire de l’ALI, que nous reprenons ici, avec quelques corrections en suivant la version orale. (Lacan souligne quelques phrases en criant. Nous les avons transcrites en caractères gras)

Pour voir le tableau de la logique modale de la leçon du 19 février 1974, cliquer ici

1:18:17 (à une heure 18 minutes du début de la leçon)

S'il est vrai que ça ne se situe que là où je vous le dis, c’est-à-dire là où la contradiction n’est en fin de compte qu’artifice, artifice de suppléance, mais qui n’en reste pas pour ça moins vrai, le vrai jouant là le rôle de quelque chose dont on part pour inventer les autres modes.

C’est à savoir que nécessaire que p, quelque vérité que ce soit, ne peut se traduire que par ça ne cesse pas de s’écrire.

Chacun voit entre ce fait, ce fait que quelque chose ne cesse pas de s’écrire - entendez par là que ça se répète, que c’est toujours le même symptôme, que ça tombe toujours dans le même godant... Vous voyez bien qu’entre le ne cesse pas de s’écrire p et le ne cesse pas de s’écrire non-p, nous sommes là dans l’artefact dont témoigne justement et qui témoigne en même temps de cette béance concernant la vérité, et que l’ordre du possible est comme l’indique Aristote, connecté au nécessaire. Ce qui cesse de s’écrire, c’est p ou non-p. En ce sens, le possible témoigne de la faille de la vérité. À ceci près qu’il n’y a rien à en tirer.

Il n’y a rien à en tirer, et Aristote lui-même en témoigne. Il y témoigne de sa confusion à tout instant entre le possible et le contingent, ce qu’écrit ici mon V vers le bas, Λ... car après tout, ce qui cesse de s’écrire peut aussi bien cesser de ne pas s’écrire, à savoir venir au jour comme vérité du truc… Il peut arriver que j’aime une femme comme un chacun d’entre vous - c'est ce sorte d'aventures dans lesquelles vous pouvez glisser - ça ne donne pourtant aucune assurance concernant l’identification sexuelle de la personne que j’aime pas plus que de la mienne.

Seulement il y a quelque chose qui, entre toutes ces contingences, pourrait bien témoigner de la présence du Réel. Et ça c’est bien ce qui ne s’avance que du dire pour autant qu’il se supporte du principe de contradiction. Ce qui bien sûr, naturellement, n’est pas du dire courant de tous les jours... Non seulement dans le dire courant de tous les jours vous vous contredisez sans cesse, c’est-à-dire que vous ne faites aucune attention à ce principe de contradiction, mais il n’y a vraiment que la logique qui l’élève à la dignité d’un principe, et qui vous permette, non pas, bien sûr, d’assurer aucun Réel, mais de vous y retrouver dans ce qu’il pourrait être quand vous l’aurez inventé.

Et c’est bien en quoi ce que j’ai marqué concernant l’impossible, c’est-à-dire ce qui sépare, mais autrement que ne fait le possible, ce n’est pas un ou-ou, c’est un et-et. En d’autres termes, que ce soit à la fois p et non-p, c’est impossible, c’est très précisément ce que vous rejetez au nom du principe de contradiction. C’est pourtant le Réel puisque c’est de là que je pars, à savoir que pour tout savoir il faut qu’il y ait invention, que c’est ça qui se passe dans toute rencontre, dans toute rencontre première avec le rapport sexuel.

La condition pour que ça passe au Réel, la logique, et c’est en ça qu’elle s’invente, et que la logique c’est le plus beau recours de ce qu’il en est du savoir inconscient. À savoir de ce avec quoi nous nous guidons dans le pot-au-noir.

Ce que la logique est arrivée à élucubrer, c’est non pas de s’en tenir à ceci qu’entre p et non-p, il faut choisir, et qu’à cheminer selon la veine du principe de contradiction, nous arriverons à en sortir quant au savoir.

Ce qui est important, ce qui constitue le Réel, c’est que, par la logique, quelque chose se passe, qui démontre non pas qu’à la fois p et non-p soient faux, mais que ni l’un ni l’autre ne puissent être vérifié logiquement d’aucune façon. C’est là le point, le point de re-départ, le point sur lequel la prochaine fois je reprendrai, cet impossible de part et d’autre, c’est là le Réel tel que nous le permet de le définir la logique, et la logique ne nous permet de le définir que si nous sommes capables, cette réfutation de l’un et de l’autre, de l’inventer.


 

Et c’est là qu’entre en jeu tout ce qui s’édifie du terme de phallus qui est bien là ce qui désigne un certain signifié, un signifié d’un certain signifiant parfaitement évanouissant, car pour ce qui est de définir ce qu’il en est de l’homme ou de la femme, ce que la psychanalyse nous montre, c’est très précisément que c’est impossible et que, jusqu’à un certain degré, rien n’indique spécialement que ce soit vers le partenaire de l’autre sexe que doive se diriger la jouissance, si la jouissance est considérée, même un instant, comme le guide de ce qu’il en est de la fonction de reproduction.

Le savoir du psy, 4 novembre 71


C’est très précisément pour traduire la formule : Je te demande quoi ? de refuser ce que quoi ? Ce que je t’offre, c’est-à-dire quelque chose qui au regard de ce dont il s’agit — et vous savez ce que c’est — c’est à savoir l’objet petit a — l’objet petit a n’est aucun être, l’objet petit a c’est ce que suppose, suppose de vide une demande, dont, en fin de compte, ce n’est qu’à la définir comme située par la métonymie, c’est-à-dire par la pure continuité assurée du commencement ou début de la phrase, que nous pouvons imaginer ce qu’il peut en être d’un désir qu’aucun être ne supporte.

Je veux dire qui est sans autre substance que celle qui s’assure des nœuds mêmes. Et la preuve, c’est que, énonçant cette phrase : je te demande de refuser ce que je t’offre, je n’ai pu que la motiver de ce "ce n’est pas ça" dont j’ai parlé, que j’ai repris la dernière fois, et qui veut dire que, dans le désir de toute demande, il n’y a que la requête de ce quelque chose qui au regard de la jouissance qui serait satisfaisante, qui serait la Lustbefriedigung supposée dans ce qu’on appelle également improprement dans le discours analytique la pulsion génitale, celle où s’inscrirait un rapport qui serait le rapport plein, le rapport inscriptible entre ce qu’il en est de l’un avec ce qui reste irréductiblement l’autre.

C’est en quoi j’ai insisté sur ceci, c’est que le partenaire de ce je qui est le sujet, le sujet de toute phrase de demande, c’est que son partenaire est non pas l’Autre mais ce quelque chose qui vient se substituer à lui sous la forme de cette cause du désir que j’ai cru pouvoir diversifier, diversifier et ce n’est pas sans raison, en 4, en tant qu’il se constitue, selon la découverte freudienne, en tant qu’il se constitue diversement de l’objet de la succion, de l’objet de l’excrétion, du regard, et aussi bien de la voix.

C’est en tant que substitut de ce qu’il en est de l’Autre que ces objets sont réclamés, sont faits cause du désir.

Encore 15 mai 73



Il se peut que la spatialité soit la projection de l’étendue de l’appareil psychique. Aucune autre déduction n’est vraisemblable. Au lieu du a priori kantien, (les) conditions de notre appareil psychique. La psyché est étendue, (mais elle) n'en sait rien. Sigmund Freud, 1938, Résultats, idées, problèmes.


Gamow, physicien quantique, russe d'origine, à qui l'on doit la théorie du Big Bang et d'autres choses encore, raconte cette histoire à propos de Dirac, autre physicien quantique:

Une fois, se trouvant chez Kapitza, Dirac, tout en parlant de physique avec Peter, regardait Anya Kapitza tricoter.

Quelques heures après les avoir quittés, il revint, tout excité: "Vous savez,Anya," lui dit-il, "en vous regardant faire ce pull-over, je me suis beaucoup intéressé à l'aspect topologique du problème.

J'ai trouvé qu'il y avait une autre façon de tricoter, et une
seule. Il y a celle que vous employez, puis celle-ci". Et, de ses doigts longs et fins, il fit sa démonstration. Anya lui apprit que la "nouvelle façon" qu'il venait de découvrir était tout simplement le "point à l'envers", bien connu des femmes."

Cité par Serge Hajlbum dans un forum dans la web

 


 

Envers de la psychanalyse

 

Ce qu’on attend d’un psychanalyste, c’est comme je l’ai dit la dernière fois,

de faire fonctionner son savoir en termes de vérité.

 

L’amour de la vérité est ce quelque chose qui se cause de ce manque à

être de la vérité, ce manque à être que nous pourrons aussi appeler autrement,

ce manque d’oubli ce qui se rappelle à nous dans les formations de

l’inconscient, ce n’est rien qui soit de l’ordre de l’être, d’un être plein

d’aucune façon. Qu’est-ce que c’est que « ce désir indestructible» dont

parle Freud pour conclure les dernières lignes de sa Traumdeutung?

Qu’est-ce que c’est que ce désir que rien ne peut changer ni fléchir quand

tout change ? Ce manque d’oubli, c’est la même chose que ce manque à

être, car être ce n’est rien d’autre que d’oublier. Cet amour de la vérité,

c’est cet amour de cette faiblesse, cette faiblesse dont nous avons su lever

le voile. C’est ceci que la vérité cache et qui s’appelle la castration.


La lettre, selon Mme du Deffand, doit faire entendre une voix, beaucoup plus que développer un point de vue. Il ne s'agit pas de prouver qu'on a raison, mais de susciter l'illusion d'une présence - Voltaire affirmant qu'il ne saurait écrire une lettre si elle ne concerne un thème précis ou ne traite d'un problème.

La marquise prétendant qu'il est plus drôle de s'abandonner : Rien n'est plus drôle qu'un commerce où l'on se dit tout ce qui nous passe par la tête ; mais je n'en suis pas là avec vous. Ce marché serait trop avantageux pour moi ; je vous donnerais des bulles de savon en échange du votre en barre.


I wish I could tell you half the things Alice used to say, beginning with her favourite phrase Let's pretend. She had had quite a long argument with her sister only the day before -- all because Alice had begun with Let's pretend we're kings and queens; and her sister, who liked being very exact, had argued that they couldn't, because there were only two of them, and Alice had been reduced at last to say, Well, YOU can be one of them then, and I'LL be all the rest.

Alice through the looking glass, Lewis Caroll



 

Le complexe d'Oedipe est la façon dont on peut se défendre contre la structure par l'histoire. L'histoire introduit dans la structure une temporalité, un avant et un après, cette temporalité apprivoise la fonction de la cause puisque dans l'histoire la cause n'est plus supportée que par ce qui est antécedent, par ce qui est antérieure dans la chaîne symbolique. L'histoire imaginarise ainsi le Symbolique pour se défendre contre le Réel. Ce qui pour l'histoire fait cause n'est rien qu'un prédecesseur dans la chaîne : ce qui dans la chaîne se trouve avant. Un hommage est ainsi rendu au père qui, en même temps, se tropuve enchaîné, puisqu'il est réduit à n'être qu'un élément quelconque de la chaîne ; il ne doit son pouvoir qu'au fait purement accidentel d'avoir été avant.
La problématique de l'histoire est ainsi typiquement obsessionnelle ; elle célèbre le père en le réduisant à n'être que celui qui était là d'abord.
(...)
Nous aimons les histoires parce qu'elles annulent la dimension du Réel.
Le complexe d'Oedipe est prototypique de notre rapport à l'histoire, il est notre Ur-histoire, l'histoire originelle, il dit en effet le commencement, la genèse, en mettant le père à la place de la cause.
(...)
Comment se fait-il qu'un même mythe, celui de l'Oedipe, soit retrouvé dans l'inconscient du sujet occidental et ce, que que soit son sexe, puisque ce mythe fonctionne à l'insu du sujet dont, par ailleurs, il ménage l'ex-sistence sans avoir jamais été explicité?
(...)
Il y a d'autres façon d'historiser le Réel, c'est-à-dire là encore de s'en défendre. Il y a par exemple le mythe individuel, cette fois, du névrosé. Ainsi la cause, c'est-à-dire ce qui est toujours cause de l'insatisfaction, cette cause pourra être attribuée à des incidences diverses : insuffisance de l'amour maternel, père chatré, naissance d'un frère ou d'une soeur, traumatisme sexuel, etc.
(...)
L'Oedipe qui fait du père mort la cause est bien agent de normalisation psychique puisqu'il dit quel est l'étalon de la valeur commune : le phallus. Il fait de la femme l'image désirable et de l'idéal paternel le support du narcissisme. Mais bien qu'étant un agent de normalisation psychique permettant d'entrer dans le circuit des échanges - qu'ils soient sexuels, sociaux ou économiques, - l'Oedipe appelle néanmoins trois remarques.
En premier lieu, il ment sur la cause du désir, puisqu'il désigne cette cause comme étant la mère. D'autre part, il organise de façon définitive l'interdit de savoir quelle est la cause véritable du désir sous peine de réaliser l'inceste. Enfin, ce mythe de l'Oedipe fait de l'insatisfaction sexuelle la règle normative.
(...)
Or, sans s'exposer à nul inceste, il est possible de savoir qu'en premier lieu la cause du désir n'est pas la mère mais l'objet qu'elle recèle dans la mesure où cet objet fait l'attirance du père pour elle. D'autre part, cet objet peut être su, désigné, nommé et cela sans aucun risque d'encourir l'inceste ou de le pratiquer, car si la mère est support de l'Autre, du grand Autre comme corps, si elle est corps de l'Autre, si c'est elle dont le corps donne consistance à l'Autre, elle est à jamais pour quiconque insaississable car infinie. Le caractère pathogène de incestes effectivement réalisés tient vraisemblablement à une confusion du grand Autre avec l'objet a.

Extrait de Refoulement et déterminisme des névroses,
séminaire de Charles Melman de 1989-90. Leçon du 12 octobre 1989


l’homme va se reconnaître et se
méconnaître partout... Il se sert de cet
autre désormais vide comme d’un
miroir vrai pour y projeter la surface
invisible qui est lui-même et y voir se
dessiner ce qui lui est le plus interdit -
la Chose

notes/transcription de Claude Conté sur la conférence de Lacan "De ce que j'enseigne"
parue en annexe dans le séminaire sur "L'identification", Ali, page 408



Qu’il y ait un réel, ce n’est absolument pas douteux, que le sujet n’ait de rapport, de rapport constructif avec ce réel que dans la dépendance, étroite alors, du principe du plaisir, du principe du plaisir non forcé par la pulsion, c’est ce qui, la prochaine fois, nous permettra de voir que là est la source et l’origine, là est le point d’émergence de cet objet d’amour. Toute la question est de savoir comment cet objet d’amour peut tenir à remplir un rôle analogue à cet objet tel que je viens de vous le définir,

c’est-à-dire à l’objet du désir. Sur quelles équivoques, sur quelles ambiguïtés repose la possibilité, pour l’objet d’amour, de devenir objet de plaisir ?

Encore, version ALI, page 218


Il faut qu'il y ait une espèce de transmutation qui s'opère du signifiant à la lettre, quand le signifiant n'est pas là - (quand il ) est à la dérive, n'est-ce pas, (quand il) a foutu le camp - dont il faudrait se demander comment ça peut se produire

(...)

Tout de même, on ne peut pas faire que sur le sujet de cette lettre on n'ait pas affaire à un champ qui s'appelle mathématique, à un endroit où on ne peut pas écrire n'importe quoi. (...) C'est en cela que ce domaine se distingue

(...)

Je posai la question de ce qu'on pourrait appeler un mathème, posant déjà que c'est le point pivot de tout enseignement. Autrement dit qu'il n'y a d'enseignement que mathématique, le reste est plaisanterie.
Jacques Lacan, ... Ou pire, le 15 décembre 1971



...C’est en tant que ce champ de l’Autre n’est, comme on dit techniquement, « pas consistant », que l’énonciation prend la tournure de la demande, ceci avant que quoi que ce soit, qui charnellement puisse répondre...
Jacques Lacan


... Cela ne veut pas dire qu’il n’en existe pas. L’important, c’est qu’on ne peut pas démontrer qu’il est impossible qu’il en existe. Voilà de l’indécidable.
De l’indécidable dont le lien avec la structure est la fonction logique des quantificateurs… ce privilège de la fonction de la quantification tient à ce qu’il en est de l’essence du tout et de sa relation à la présence de l’objet a.
Il existe quelque chose qui fonctionne pour que tout sujet se croie tout, pour que le sujet se croie tout sujet, et par là même sujet de tout, de ce fait même en droit de parler de tout.
Or, ce que nous donne l’expérience analytique est ceci qu’il n’y a pas de sujet dont la totalité ne soit illusion, parce qu’elle ressortit à l’objet a en tant qu’élidé.

20 mars 68, L’acte psychanalytique